Alors que le virus circule encore beaucoup, le
président communiste du Val-de-Marne constate une campagne de vaccination
« chaotique » à laquelle les élus locaux ne sont que peu associés. Entretien.
Masques, tests et désormais vaccins : en
première ligne, les élus locaux subissent les décisions souvent hasardeuses de l’exécutif.
Parmi eux, Christian Favier, président du conseil départemental du
Val-de-Marne. Alors que Sanofi, fleuron industriel de son territoire, est à la
peine, le communiste déplore une campagne vaccinale trop lente et s’inquiète
d’une reprise épidémique aux fortes conséquences sanitaires mais aussi
sociales.
Très en retard sur la découverte d’un vaccin, Sanofi a annoncé la suppression de 400 postes dans la recherche.
De quoi cette situation est-elle le signe, selon vous ?
CHRISTIAN FAVIER : C’est le résultat de décisions
stratégiques de sacrifier l’investissement sur la recherche. On paye aujourd’hui les conséquences de ces choix
financiers. L’État doit reprendre la main sur la situation, d’autant plus au
regard des aides publiques dont Sanofi a bénéficié depuis des années. Il faut
mettre fin à cette gabegie en allant vers un grand pôle public du médicament.
On parle d’état d’urgence mais il n’y a pas de mesures d’urgence prises à
l’égard de ces industries pharmaceutiques qui se sont moquées du monde en
versant des dividendes aux actionnaires tout en ayant failli à leur mission.
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Comment la campagne de vaccination se déroule-t-elle dans le Val-de-Marne ?
CHRISTIAN FAVIER : Le nombre de vaccins délivrés dans
les centres est insuffisant : 5000 par semaine pour un département qui
compte 1,4 million d’habitants et énormément de salariés du monde de la
santé.
Que vous disent les habitants ?
CHRISTIAN FAVIER : À l’incompréhension s’ajoute la
colère. Les centres ne peuvent pas réserver la vaccination aux habitants de la
commune concernée. Via Doctolib, beaucoup de rendez-vous ont été pris par des
personnes venant d’autres villes, voire d’autres départements. Ça suscite du
ressentiment : les gens s’opposent alors qu’on devrait créer les conditions
pour que tout le monde puisse se faire vacciner dans des délais raisonnables.
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Que pensez-vous de la gestion de crise par l’exécutif ?
CHRISTIAN FAVIER : La méthode est très chaotique, avec
des informations contradictoires. Pour les collectivités, c’est très difficile
de travailler de cette façon. Le département a proposé que ses services mettent
en place des unités mobiles pour aller vacciner les personnes âgées qui ne
vivent pas dans des Ehpad et qui ne sont pas considérées comme
prioritaires par l’État. On n’a pas été entendu. En mobilisant tout le monde,
on pourrait aller beaucoup plus vite et nous sommes freinés par l’incurie de cet
État à se procurer des vaccins.
Les départements ont été les seules
collectivités à ne pas bénéficier d’aides directes de l’État.
La crise sanitaire a un impact très important sur la précarité.
Qu’observez-vous dans votre département ?
CHRISTIAN FAVIER : Depuis mars, il y a eu
5 000 allocataires de plus, pour atteindre 47 000 aujourd’hui. On a repris
les distributions alimentaires, en particulier de produits frais, en direction des
associations. On sera aussi amené à refaire une distribution de masques
réutilisables à tous les collégiens du Val-de-Marne après les vacances. Nous
l’avons déjà fait deux fois au cours du premier trimestre. Ces mesures ont un
coût important, d’autant plus que les départements ont été les seules
collectivités à ne pas bénéficier d’aides directes de l’État. Il n’y a pas non
plus eu d’aide particulière liée au RSA pour tenir compte de cette hausse due à
la crise sanitaire. Dans le Val-de-Marne, 50 % des allocations versées
relèvent du budget du département.
Quelle est votre marge de manœuvre sur les questions d’emploi et de relance
économique ?
CHRISTIAN FAVIER : Elle est très faible car les
départements n’ont plus de compétences en matière économique par des actions
directes sur les entreprises. C’est du ressort de la région. Notre principal
levier a été de maintenir notre politique d’investissement sur le département
(entretien des routes, construction de collèges…). La situation économique est
très difficile, notamment sur le pôle d’Orly. Il y a eu une fermeture totale de
l’aéroport, puis une réouverture très limitée, avec des plans de départs
volontaires. Les conséquences sont terribles aussi pour l’hébergement, la
restauration, les musées… On essaye de trouver des dispositions pour préparer
la reprise.
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