mardi 5 janvier 2021

« Spectre », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité.



 On aimerait pouvoir dire « enfin ». Enfin Olivier Véran, le ministre de la Santé, rudement sermonné par le président, aurait cessé de se reposer sur ses lauriers après la vaccination de Mauricette. Emmanuel Macron, donc, se serait mis en colère. Mais contre qui ? Contre Emmanuel Macron lui-même ? Qui pourrait croire qu’il n’était pas parfaitement au fait de cette situation devenue un véritable scandale avec moins de 500 vaccinations au regard de dizaines de milliers pour nos voisins, même les moins équipés.

Ce ne sont pas seulement les oppositions, mais c’est le pays, l’opinion publique qui l’ont contraint à une accélération proclamée, Olivier Véran promettant que nous allons rejoindre nos voisins dans les prochains jours. Les mêmes mots sont venus de partout. Honte, risée, humiliation, pendant que cette véritable procrastination d’État n’a fait que renforcer les réticences face au vaccin dans une France où la parole politique et institutionnelle est déjà soumise au doute pour de mauvaises mais aussi de très bonnes raisons.

On peut parler d’incurie, de « précautionnisme », de politique de Gribouille après les cafouillages et mensonges sur les masques et les tests. Sans doute, et il faut incriminer ici une gestion verticale de la crise, faisant fi du rôle des élus, des collectivités locales, dans l’élaboration de solutions collectives comprises par tous. Et ce ne sont certainement pas une trentaine de citoyens tirés au sort qui vont y remédier. On nous a déjà fait le coup de la Convention pour le climat.

Mais il y a plus grave, alors que l’épidémie ne faiblit pas et que nous menacent les variants du virus. Dans l’état actuel des choses, les doses livrées aux pays européens ne sont pas suffisantes pour assurer une véritable vaccination de masse capable de stopper le mal. Pfizer, Moderna protègent jalousement leurs brevets et on sait pourquoi. La crise leur va si bien, alors qu’elle appelle une mise en commun des efforts, des brevets, une fraternité planétaire. Le virus ravage la santé, l’économie. La soif du profit est à ses côtés comme un spectre.

 

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