vendredi 1 janvier 2021

Les vœux d’Emmanuel Macron aux Français : des perspectives très « monde d’avant » pour 2021



Cyprien Caddeo

Le chef de l’État s’est plié au traditionnel exercice de l’allocution du 31 décembre. L’occasion d’un discours de quasi sortie de crise, pour clôturer une annus horribilis pour les Français, marquée par la pandémie, les attentats et la multiplication des manifestations contre le tournant sécuritaire du régime. Et de donner des perspectives très « monde d’avant » pour 2021, notamment en ce qui concerne la dette.

« Ce soir, nous ne vivons pas un 31 décembre comme les autres. L’année 2020 s’achève comme elle s’est déroulée par des efforts et des restrictions. » Alors que les Français vivent, pour la première fois en temps de paix, un réveillon du Nouvel An sous couvre-feu, Emmanuel Macron s’est prêté au traditionnel exercice des vœux télévisés aux Français.

Une allocution qui se voulait plus apaisée et davantage « à visage humain » que celle de l’an dernier, consacrée essentiellement à la question des retraites, qu’il était alors hors de question d’abandonner. Abandonnant son bureau présidentiel pour une petite table de réception, le chef de l’État a rendu hommage, en préambule, aux 64 000 victimes du Covid-19 et à leurs proches.

« Je suis sincèrement convaincu que nous avons fait les bons choix aux bons moments », a-t-il poursuivi, dans un élan tenant plus de la méthode Coué que de l’acuité politique. Oubliés les mensonges d’Agnès Buzyn, les atermoiements et les changements de pied sur les masques. Effacés les signaux contradictoires pour les départs en vacances et les cris d’alarme des hôpitaux en burn-out. Au contraire, « nos soignants ont tenu et nous avons engagé une transformation en profondeur et des investissements historiques pour notre santé », a affirmé le président de la République, alors même qu’aucune réforme structurelle demandée par les soignants n’a été engagée et que le nombre de lits de réanimations, nerfs de la « guerre » contre le virus, a très peu augmenté.

« Ensemble nous sortons plus unis et en ayant beaucoup appris », a-t-il ajouté, tandis que l’opinion publique n’a jamais été aussi polarisée, comme l’ont montré la montée d’un contre-discours complotistes et les querelles de chapelle sur les questions de santé (pro-vaccin contre anti-vaccin, pro-chloroquine contre anti-choloroquine…). Par ailleurs, comme ce qui n’est pas dit dans un discours est aussi important que ce qui est prononcé, il faut noter qu’Emmanuel Macron n’a pas eu un mot pour les mouvements antiracistes et anti-violences policières qui ont agité l’été et l’automne, révélant des fractures béantes de la société.

Pour ancrer son discours dans le réel, le président de la République s’est ensuite attelé à égrainer les noms de Français exemplaires, évidemment pas choisis au hasard. Gérald, entrepreneur près d’Angers « qui a réussi la prouesse de laisser ses entreprises ouvertes 7 jours sur 7 ». « Mehdi, professeur de sciences économiques à Marseille dans les quartiers Nord », qui a enseigné la laïcité à ses élèves après l’attentat contre Samuel Paty. Rosalie, libraire, qui « a créé un site de vente à emporter pour continuer à exercer » malgré le confinement. La ficelle rhétorique est grosse : elle permet au président de donner des visages au concept de Nation, et de louer, en bon néolibéral, l’héroïsme et la vertu individuelle pour éviter de parler des faillites collectives dans la gestion de la crise.

Enfin, Emmanuel Macron aura esquissé les contours de 2021, donnant à son discours des allures de quasi sortie de crise. Le « printemps 2021 », voilà l’horizon du président au-delà duquel nous devrions être tirés des effets actuels de l’épidémie. « L’espoir est là », a-t-il martelé, saluant le déploiement du vaccin (qui, après des difficultés au démarrage, devrait s’accélérer à partir de lundi, notamment pour les soignants de plus 50 ans).

Ce cap franchi, « c’est la France de 2030 que nous bâtirons », a promis le chef de l’État. Certains y verront une déclaration pour une seconde candidature. Il dessine surtout un horizon économique, en lieu et place du « monde d’après » bel et bien enterré. Ainsi, s’il assume le « quoi qu’il en coûte », Emmanuel Macron prévient d’ores et déjà qu’il faudra ensuite se serrer la ceinture pour éponger la dette : « il nous faudra bâtir ensemble les réponses qui permettront de ne pas en faire un fardeau pour les générations futures ». Les réformes suspendues devraient à ce titre faire leur réapparition : le ministre de l’Économie Bruno Le Maire fait toujours de la réforme des retraites sa priorité, quand Elisabeth Borne, ministre du Travail, a affirmé vouloir reprendre celle de l’assurance-chômage, qui risque de priver plus 1,2 million de chômeurs de leurs droits. Bref, l’électorat macroniste peut souffler, le gouvernement n’est pas vacciné du néolibéralisme.

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