Le chef de l’État s’est plié au traditionnel exercice
de l’allocution du 31 décembre. L’occasion d’un discours de quasi sortie
de crise, pour clôturer une annus horribilis pour les Français, marquée par la
pandémie, les attentats et la multiplication des manifestations contre le
tournant sécuritaire du régime. Et de donner des perspectives très « monde
d’avant » pour 2021, notamment en ce qui concerne la dette.
« Ce soir, nous ne vivons pas un
31 décembre comme les autres. L’année 2020 s’achève comme elle s’est
déroulée par des efforts et des restrictions. » Alors que les Français vivent,
pour la première fois en temps de paix, un réveillon du Nouvel An sous
couvre-feu, Emmanuel Macron s’est prêté au traditionnel exercice des vœux
télévisés aux Français.
Une allocution qui se voulait plus apaisée
et davantage « à visage humain » que celle de l’an dernier, consacrée
essentiellement à la question des retraites, qu’il était alors hors de question
d’abandonner. Abandonnant son bureau présidentiel pour une petite table de
réception, le chef de l’État a rendu hommage, en préambule, aux 64 000 victimes
du Covid-19 et à leurs proches.
« Je suis sincèrement convaincu que nous
avons fait les bons choix aux bons moments », a-t-il poursuivi, dans un élan
tenant plus de la méthode Coué que de l’acuité politique. Oubliés les mensonges
d’Agnès Buzyn, les atermoiements et les changements de pied sur les masques.
Effacés les signaux contradictoires pour les départs en vacances et les cris
d’alarme des hôpitaux en burn-out. Au contraire, « nos soignants ont tenu et
nous avons engagé une transformation en profondeur et des investissements
historiques pour notre santé », a affirmé le président de la République, alors
même qu’aucune réforme structurelle demandée par les soignants n’a été engagée
et que le nombre de lits de réanimations, nerfs de la « guerre » contre le
virus, a très peu augmenté.
« Ensemble nous sortons plus unis et en
ayant beaucoup appris », a-t-il ajouté, tandis que l’opinion publique n’a
jamais été aussi polarisée, comme l’ont montré la montée d’un contre-discours
complotistes et les querelles de chapelle sur les questions de santé
(pro-vaccin contre anti-vaccin, pro-chloroquine contre anti-choloroquine…). Par
ailleurs, comme ce qui n’est pas dit dans un discours est aussi important que
ce qui est prononcé, il faut noter qu’Emmanuel Macron n’a pas eu un mot pour
les mouvements antiracistes et anti-violences policières qui ont agité l’été et
l’automne, révélant des fractures béantes de la société.
Pour ancrer son discours dans le réel, le
président de la République s’est ensuite attelé à égrainer les noms de Français
exemplaires, évidemment pas choisis au hasard. Gérald, entrepreneur près
d’Angers « qui a réussi la prouesse de laisser ses entreprises ouvertes 7 jours
sur 7 ». « Mehdi, professeur de sciences économiques à Marseille dans les
quartiers Nord », qui a enseigné la laïcité à ses élèves après l’attentat
contre Samuel Paty. Rosalie, libraire, qui « a créé un site de vente à emporter
pour continuer à exercer » malgré le confinement. La ficelle rhétorique est
grosse : elle permet au président de donner des visages au concept de Nation,
et de louer, en bon néolibéral, l’héroïsme et la vertu individuelle pour éviter
de parler des faillites collectives dans la gestion de la crise.
Enfin, Emmanuel Macron aura esquissé les
contours de 2021, donnant à son discours des allures de quasi sortie de crise.
Le « printemps 2021 », voilà l’horizon du président au-delà duquel nous
devrions être tirés des effets actuels de l’épidémie. « L’espoir est là »,
a-t-il martelé, saluant le déploiement du vaccin (qui, après des difficultés au
démarrage, devrait s’accélérer à partir de lundi, notamment pour les soignants
de plus 50 ans).
Ce cap franchi, « c’est la France de 2030 que nous bâtirons »,
a promis le chef de l’État. Certains y verront une déclaration pour une seconde
candidature. Il dessine surtout un horizon économique, en lieu et place du
« monde d’après » bel et bien enterré. Ainsi, s’il assume le « quoi qu’il en
coûte », Emmanuel Macron prévient d’ores et déjà qu’il faudra ensuite se serrer
la ceinture pour éponger la dette : « il nous faudra bâtir ensemble les
réponses qui permettront de ne pas en faire un fardeau pour les générations
futures ». Les réformes suspendues devraient à ce titre faire leur
réapparition : le ministre de l’Économie Bruno Le Maire fait toujours de la
réforme des retraites sa priorité, quand Elisabeth Borne, ministre du Travail,
a affirmé vouloir reprendre celle de l’assurance-chômage, qui risque de priver
plus 1,2 million de chômeurs de leurs droits. Bref, l’électorat macroniste
peut souffler, le gouvernement n’est pas vacciné du néolibéralisme.
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