La brutalité de la police à l’encontre des étrangers
n’est pas nouvelle. Les associations dénoncent une stratégie politique à
l’œuvre depuis plusieurs années.
«En Hongrie, sur la route des Balkans, la
police nous protégeait contre l’hostilité des populations. Ici, en France,
c’est la population qui nous protège contre les violences policières. » Ces propos sont rapportés par Louis Barda,
coordinateur général chez Médecins du monde (MDM). Il les a récoltés auprès
d’exilés vivant à la rue, à Paris, dans les jours qui ont suivi le
démantèlement, le 23 novembre, du campement de fortune installé place de
la République.
Les images de cette évacuation, marquée
par de nombreux actes de violences à l’encontre de personnes démunies, ont ému
jusqu’au sommet de l’État. Elles ont trouvé, ce mardi 1er décembre, un nouvel
écho avec la diffusion sur le site de France Inter d’une compilation de
73 vidéos réalisées le 17 novembre, à Saint-Denis, lors d’une non moins
violente autre « opération de mise à l’abri ».
« Cette médiatisation des violences
policières nous permet de parler enfin d’une situation qui perdure depuis plus
de cinq ans », pointe le responsable de MDM. Yann
Manzi, cofondateur de l’Association Utopia 56, dénonce pour sa part « une
méthode policière pratiquée dans tout le pays depuis des années ».
Lacérations de tentes, coups de tonfa, harcèlement
À Calais et Grande-Synthe, au nord, à la
frontière franco-italienne, au sud, tout comme dans la capitale, les
associations dénoncent, en effet, depuis longtemps, les coups, la traque, les
intimidations et les destructions de matériels dont sont victimes les personnes
étrangères. « À Calais, les violences et le h arcèlement
policiers sont permanents, insistaient les associations Salam, l’Auberge
des migrants et Cabane juridique, mardi 24 novembre, dans un communiqué
commun. Plus de mille personnes exilées survivent dans des campements
précaires détruits toutes les 48 heures. »
Une semaine plus tôt, des Érythréens
vivant dans la rue à Calais publiaient une lettre ouverte. Ils y dressaient une
liste datée d’ « attaques » par des CRS : lacérations de
tentes, coups de tonfa reçus en se rendant aux toilettes, aspersion de gaz lacrymogène
par la porte de fourgons policiers, accélérations menaçantes de ces mêmes
véhicules en leur direction lorsqu’ils marchent sur le bord de la chaussée…
Enfermement et privation de nourriture
À l’autre bout du pays, à Menton, les
associations ne cessent de dénoncer d’autres violences encore, dont notamment
l’enfermement quotidien, en dehors de tout cadre légal, de dizaines d’hommes,
de femmes et d’enfants dans des préfabriqués de la Police aux frontières.
Ainsi, le 8 octobre, une ressortissante ivoirienne, accompagnée de
ses deux enfants de 3 et 5 ans, témoignait de sa privation de liberté et
de nourriture durant 14 heures.
Nous ne cessons de constater un grand nombre de
pathologies liées aux conditions de vie qu’on impose aujourd’hui à ces
personnes. LOUIS BARDA Coordinateur
général chez Médecins du monde
« Les images qui circulent depuis quelques
jours montrent des violences physiques de la part de policiers à l’encontre des
exilés. Mais elles s’accompagnent
quotidiennement d’une multitude d’autres violences psychologiques, plus
difficiles à montrer, poursuit Louis Barda. Lors de nos
consultations médicales, nous ne cessons de constater un grand nombre de
pathologies, non pas liées aux parcours migratoires de ces personnes, mais aux
conditions de vie qu’on leur impose aujourd’hui. » Pour lui, les violences
policières à l’encontre des exilés résultent d’une véritable « volonté
politique » visant « à rester dans une relation binaire » entre
la majorité au pouvoir et l’extrême droite.
À la frontière franco-italienne, l’État
sanctionné
Lundi
30 novembre, le tribunal administratif de Nice a sanctionné l’État pour
son refus opposé, le 15 septembre, à l’Anafé et Médecins du monde de
porter une assistance médicale et juridique aux exilés enfermés dans les
préfabriqués attenant au poste de la Police aux frontières de Menton. Le juge a
considéré que cette décision porte atteinte au principe de fraternité et a mis
en doute la légalité de ces privations de liberté infligées aux étrangers. Il
ordonne la suspension du refus d’accès opposé aux associations. Une victoire
pour ces dernières, qui dénoncent depuis des années les violations des droits
des étrangers à la frontière franco-italienne.
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