L’aile gauche de la Macronie s’inquiète d’un texte
trop sécuritaire et a peur de voir se répéter le fiasco de la loi de « sécurité
globale ». Une députée a d’ores et déjà quitté le groupe, tandis que les postes
de rapporteur ont été partagés pour tenter d’apaiser les tensions.
Sale temps pour la majorité parlementaire.
Toujours pas extirpés du bourbier de la proposition de loi de « sécurité globale », les députés LaREM se préparent en vue de l’examen du
projet de loi sur les « séparatismes », attendu pour février dans l’Hémicycle.
Un texte aux allures de chausse-trappe pour un groupe déjà divisé et fragilisé
par la controverse autour de l’ article 24.
Comment concilier les députés tenants d’une laïcité apaisée et les zélotes de
la ligne Blanquer, qui est favorable à l’interdiction du port du voile dans les
universités et pour les accompagnatrices scolaires ?
Lire aussi : « Séparatismes ». Famille, associations, culte… les
mesures phares d’une loi controversée
La laïcité en débat
« C’est un secret de
Polichinelle : tout le monde ne partage pas la même vision de la laïcité au
sein de notre groupe, admet le député Sacha Houlié, défenseur d’une vision
modérée de la laïcité. Mais ce n’est pas un problème, c’est un
débat qui traverse la plupart des partis politiques. Dans la commission
spéciale, nous avons bien pris de soin de représenter toutes les opinions sur
ce sujet. » Ainsi, l’élu de la Vienne s’est vu attribuer l’un des postes de
rapporteur au sein de cette commission, dirigée par l’ancien président de
l’Assemblée nationale, François de Rugy, et chargée d’examiner le texte
avant son arrivée dans l’Hémicycle.
« À côté de ça, on n’a rien sur la mixité
sociale, la lutte contre le racisme ou l’égalité des chances » Fiona Lazaar
Ex-députée LaREM
Le coup de barre à tribord toute du
gouvernement a toutefois déjà coûté un siège de plus à la majorité. Fiona Lazaar,
députée du Val-d’Oise, a annoncé quitter le groupe LaREM et le parti, le
16 décembre. L’élue, proche de l’aile gauche de la Macronie, explique
être « très mal à l’aise » avec certaines dispositions de la
loi de « sécurité globale », ainsi qu’inquiète du discours droitier sur les
séparatismes. « À côté de ça, on n’a rien, ou rien qui n’est à la
hauteur, sur la mixité sociale, la lutte contre le racisme ou l’égalité des
chances », reproche-t-elle à l’exécutif. Les ministres Élisabeth Moreno
(Égalité femmes-hommes), Emmanuelle Wargon (Logement) et Nadia Hai (Ville)
souhaiteraient une loi sur l’égalité des chances, pour donner le change. Les
députés de l’aile gauche, quant à eux, entendent peser pour rééquilibrer le
texte.
Croisade contre les « islamo-gauchistes »
« Il ne faut pas dénaturer le
projet de loi, je le dis à destination de mes collègues. Arrêtons les “oui,
mais” », leur oppose Francis Chouat. Le député LaREM de l’Essonne,
héritier du siège de Manuel Valls,
proche du Printemps républicain et de sa croisade contre les
« islamo-gauchistes », est un fervent défenseur du texte : « Ce
n’est pas avec de l’équilibrisme qu’on combat l’islamisme et qu’on fait
réadhérer le peuple de France à la promesse républicaine. »
Lire aussi : « Islamo-gauchisme », la réplique des accusés
« Il
va y avoir des tensions et des désaccords sur ce texte au sein du groupe, il
faut être clair. Mais il ne faut pas que ça finisse en “ni, ni”, en consensus
mou qui ne solutionnera aucun problème », renchérit Jean-Baptiste
Moreau. Pour le député de la Creuse, les élus devront avant tout « être
transparents, clairs sur la sémantique, rappeler que le texte ne vise en rien
les musulmans. Et éviter les prises de parole intempestives ».
À voir si cet appel à la discipline sera
entendu. L’hypothèse que l’article 24 de la loi de « sécurité globale »
soit recyclé dans l’article 18 (anciennement 25) de la loi sur les
séparatismes a déjà jeté le soupçon sur le texte, regrettent certains. « C’est
le meilleur moyen de parasiter les futurs débats, il ne faut pas refaire la
même connerie qu’avec l’article 24 ! » s’agace un élu de la
majorité.
Darmanin, un mauvais VRP ?
Autre sujet délicat : le fait que le texte soit porté,
en grande partie, par Gérald
Darmanin. Le ministre de l’Intérieur, critiqué par
certains macronistes pour ses positions sécuritaires, trop « sarkozyste » pour
d’autres, ne risque-t-il de faire un très mauvais VRP ? « Gérald
Darmanin est parfaitement légitime en tant que ministre de l’Intérieur pour
défendre cette loi, balaie Jean-Baptiste Moreau, ce ne sera de
toute façon pas le seul membre de l’exécutif à monter au banc. » « Pour tout
vous dire, j’ai plus confiance en Gérald Darmanin qu’en Marlène Schiappa,
tacle en revanche un député LaREM. Au moins; lui, je sais ce
qu’il pense. Elle, sur ce sujet, elle a commencé très libérale sur ces
questions et elle a fini Printemps républicain, elle a changé du tout au tout. » La
récente sortie de la ministre de la Citoyenneté sur l’ Observatoire de la laïcité, qu’elle voudrait voir davantage « porter la
parole de l’État », n’a pas été du goût des députés
proches de la ligne défendue par Jean-Louis Bianco et Nicolas Cadène, à la direction de l’Observatoire.
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