lundi 12 octobre 2020

Révélation. Impôts de production : 281 entreprises vont toucher le gros lot


Cyprien Boganda

Qui va bénéficier à plein de la baisse des impôts de production ? L’Humanité a mis la main sur des estimations faites par le gouvernement, qui confirment, le caractère très inégalitaire de ce nouveau cadeau fiscal.

 

Le gouvernement a décidé de signer un nouveau chèque aux entreprises, à travers la baisse des impôts de production. Il s’agit de différents prélèvements (Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ou CVAE ; taxe foncière sur les propriétés bâties, etc.), qui se trouvent dans le collimateur du patronat depuis des années. Montant total de la baisse : 10 milliards d’euros par an. Selon des estimations transmises par le gouvernement aux députés, que nous nous sommes procurées, cette nouvelle obole est très inégalement répartie : les 281 plus grandes entreprises du pays (au moins 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires) vont se partager à elles seules 2,5 milliards d’euros… soit, en moyenne, un chèque de 9 millions d’euros par entreprise ! À l’autre bout du spectre, 323 291 TPE vont percevoir 304 millions d’euros, soit un chèque de 940 euros. Les PME vont quant à elles toucher 2,9 milliards d’euros, soit 13 300 euros par tête de pipe en moyenne. Enfin les ETI (entreprises de taille intermédiaire) vont toucher quelque 4 milliards d’euros, soit 456 300 par entreprise environ.

 

Cette inégale répartition n’a rien d’étonnant, compte tenu de la nature des impôts ciblés. La CVAE, par exemple, ne concerne que les entreprises réalisant plus de 500 000 euros de chiffre d’affaires… donc pas les plus petites. De quoi faire enrager Samuel Cette, responsable de la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises) pour la Haute-Garonne : « Les impôts de production ne concernent que les grosses boîtes. Encore une fois, les PME sont totalement exclues du dispositif, alors qu’elles se retrouvent en grosses difficultés. »

Économiste à l’OFCE, Eric Heyer souligne lui aussi les limites de la politique du gouvernement : «  Il aurait fallu des aides spécifiques, ciblées pour les entreprises qui en ont le plus besoin. Par exemple, en annulant un certain nombre de reports de charges (les entreprises ont pu décaler dans le temps le paiement de cotisations sociales, N.D.L.R.) ou en transformant en fonds propres les prêts garantis par l’État (PGE). À l’OFCE, nous avons calculé qu’il faudrait injecter 15 milliards d’euros en 2021 pour éviter la vague de faillites qui menace. Les 10 milliards d’euros de baisse d’impôts de production ne suffiront pas, d’autant que de nombreuses PME en difficultés ne toucheront que des sommes ridicules. »

 

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