Lola Ruscio
Depuis l’attaque du commissariat de la commune du
Val-de-Marne, LR et RN rivalisent d’inventivité pour stigmatiser les quartiers
populaires. Au risque de cliver davantage la société. La gauche, elle, prône
l’apaisement.
La scène a choqué. Dans la nuit de
samedi à dimanche, l’attaque aux tirs de mortier d’artifice du commissariat
du Bois-l’Abbé, à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), a suscité des réactions
indignées jusqu’au sommet de l’État. Lundi, le chef du
gouvernement, Jean Castex, qui a fait de la lutte contre « l’insécurité » sa
priorité, est monté au créneau sur France Info : « Nous serons intraitables » face
aux auteurs de l’attaque. La veille, sur le ton belliqueux qui est sa
marque de fabrique depuis son arrivée à Beauvau, Gérald Darmanin a évoqué « une
guerre de territoire sur le sol de la République », visant à « casser
les symboles de la République » et à « casser du flic ».
Dans la foulée, il a
promis d’interdire la vente au public des mortiers d’artifice et de les
définir dans la loi comme « armes par destination ». Or, « une arme
par destination » est justement définie comme « un objet détourné de
son usage classique pour en faire une arme. La loi le prévoit déjà ! », a
raillé sur Twitter SUD intérieur, syndicat représentant les personnels du
ministère de l’Intérieur. Sans compter que dès juillet, le député PCF André
Chassaigne interpellait le ministre de l’Intérieur pour « interdire
l’achat de ces produits » aux non-professionnels et « en réglementer
strictement la vente en ligne ».
Inter sur deux lignes
Une enquête, confiée au commissariat de
Champigny-sur-Marne, a été lancée pour déterminer la raison de l’attaque. Sans
attendre les conclusions des investigations, Gérald Darmanin a affirmé lundi
dans le Parisien qu’il existe un « lien
évident » entre ces violences et la lutte contre le trafic de drogue. La réalité
semble plus complexe. Difficile de connaître à ce stade les motivations exactes
des auteurs de l’attaque. Mais plusieurs sources indiquent
à l’Humanité que la tension montait dans le quartier suite à
une « course-poursuite » qui s’est déroulée dans la cité du Bois-l’Abbé,
une dizaine de jours plus tôt. Alors que la police tentait de l’interpeller, un
jeune est tombé de moto et a atterri à l’hôpital. Les forces de police réfutent
être à l’origine de sa chute, mais les jeunes dénoncent un acte de violence
policière. Le pronostic vital du blessé n’est pas engagé.
Si les causes de l’événement restent
floues, la droite et l’extrême droite se lancent dans une course à l’échalote
sécuritaire, surfant sur l’immense émotion suscitée par ces
violences. « L’éradication de ces bandes doit être une priorité de
l’État », a ainsi affirmé Xavier Bertrand, quand Valérie Pécresse, la
présidente de la région Île-de-France, a évoqué sans la moindre nuance
des « scènes de guerre intolérables ». L’attaque n’a provoqué pourtant
aucun blessé, ni aucun mort. Quant à Bruno Retailleau, le chef de file LR au
Sénat, il a demandé la création d’un « régime juridique d’exception pour
ces quartiers devenus incontrôlables » pour en finir avec ces « zones
de non-droit ». Dans un contexte de surenchère sécuritaire entre LR et le
gouvernement, Marine Le Pen tente de se démarquer de ses adversaires en
exigeant que les « étrangers coupables de délit ou de crime soient
renvoyés, à l’issue de leur peine, dans leur pays d’origine ». « On sait
qu’une partie de ces voyous ne sont pas français, a renchéri sur LCI l’élu
frontiste Thierry Mariani. Ils n’ont donc rien à faire en France. »
« Des actes intolérables qui traduisent un profond malaise »
Loin de ces discours haineux, le président du
département, Christian Favier (PCF), défend la création d’un deuxième
commissariat au cœur de la ville et le renforcement des effectifs de police
nationale. « Les 160 policiers nationaux ne suffisent pas pour
assurer la sécurité des 77 000 habitants de Champigny-sur-Marne », explique-t-il,
fustigeant au passage la suppression de la police de proximité sous le
quinquennat Sarkozy. L’élu communiste s’est rendu dimanche au commissariat pour
soutenir les forces de police. « Ces actes intolérables à l’égard des
agents traduisent aussi un profond malaise entre la police et la
jeunesse, poursuit-il. Au-delà du service public policier, il faut
davantage d’éducateurs de rue, de travailleurs sociaux et des moyens pour
renforcer l’école. Il faut des perspectives d’emploi et de formation dans ces
quartiers où le taux de chômage des jeunes dépasse les 50 %. »
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