L’exposition « Les musiques de Picasso » invite à réfléchir sur l’impact de cet art dans l’œuvre du maître espagnol au long des différentes périodes de sa vie.
« Au fond, quand on parle d’art abstrait,
on dit toujours que c’est de la musique. Quand on veut en dire du bien, on
parle musique. Tout devient musique (…). Je crois que c’est pour ça que je
n’aime pas la musique. » Apothéose d’une vulgate, qu’il s’amuse en bon sorcier
à essaimer, ces mots de Picasso sont, pour les amateurs outrepassant la
provocation apparente, les germes d’une réflexion autour de la place de la
musique dans son œuvre et sa vie.
L’exposition « les Musiques de Picasso »
s’inscrit dans la ligne éditoriale de la Philharmonie, qui veut tisser des
liens entre différentes disciplines artistiques, notamment avec les arts
visuels dans l’histoire de l’art. On découvrira un parcours chronothématique,
en neuf sections, élaboré par Cécile Godefroy, commissaire de cette exposition.
Ce projet ambitieux rassemble des œuvres protéiformes et uniques, prêtées par
les nombreux musées dédiés à l’artiste et des collectionneurs privés. Dans un
dialogue systématique, celles-ci sont couplées avec les enregistrements
musicaux concernés, pour illustrer l’argument avancé. Une organisation
conséquente pour une installation exceptionnelle.
Picasso aime les musiques en chair et en os. Richter
quand il vient le voir pour parler. Satie, quand il l’évoque. HÉLÈNE
PARMELIN
La musique est en fait omniprésente dans
la carrière du peintre, mais sous des aspects largement différents selon les
moments de sa vie. L’imaginaire musical est au cœur de l’œuvre. De cette
complexité, éminemment développée dans l’exposition, les premières musiques du
peintre résonnent comme un héritage artistique. À l’opposé de ses pairs
modernistes, la révolution de Picasso n’est pas celle du sujet pictural, mais
celle de sa représentation. Et, dans un paradoxe de filiation mais également de
rupture, il reprend les maîtres : Goya ou Vélasquez pour des natures mortes à
l’instrument, Renoir ou Toulouse-Lautrec pour des scènes de cabaret ou des
portraits de chanteuses de café-concert, à l’instar du mélancolique dessin
d’Yvette Guilbert (Chanteuse, 1901, fusain et crayons de couleurs sur papier),
accompagné d’une interprétation de la chanson populaire le P’tit Cochon.
La musique, héritage culturel de Pablo Picasso
La musique est, dès l’enfance et avant
tout, un héritage culturel pour l’Espagnol. En témoigne l’omniprésence de la
représentation de la guitare dans son œuvre. En fer, en fil, en papier, en
tissu, entier ou décomposé, l’instrument, populaire et mythique pour ses
compatriotes, vous happe à chaque détour de l’exposition. L’Espagne, c’est
aussi une musique funeste, un paso-doble pour une mise à mort dans l’arène, où
le peintre se plaisait tant. Un extrait vidéo, accompagné de la musique de
Manitas de Plata, nous permettra de palper la liesse des courses de taureaux.
La musique pour Picasso, c’est aussi un
objet d’expérimentation cubiste avec, par exemple, son Homme à la mandoline
(1911). Ou encore, plus tard, une évocation bucolique, charnelle et passionnée
à travers ses aubades par la représentation des instruments dionysiaques –
flûte de pan ou clarinette – qui donnera Joueur de flûte et femme nue (1970).
Loin de la promenade initiatique ou de la
rétrospective hagiographique, l'exposition « Les musiques de Picasso » est une
recherche où le propos est incarné par des sollicitations auditives et
visuelles. La multiplicité des rapports de Picasso à la musique ne se réduit
pas à ceux ici évoqués. Cette étude de l’interaction entre cet art et l’artiste
ne fait qu’enrichir la singularité du second et la permanence du premier, de
ses représentations dans l’existence de chacun.
Par Simon Grauby
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