Si, au vu du contexte épidémique, ce nouvel isolement
généralisé de la population semblait inéluctable, il aurait sans doute pu être
évité par un gouvernement qui n’a cessé de multiplier les couacs.
«Nous serons prêts. » Trois
mois après avoir prononcé cette phrase avec assurance, Emmanuel Macron ne peut
que constater l’échec. La France et ses hôpitaux ont été insuffisamment
préparés à la deuxième vague, pourtant prévisible, rendant les décisions
annoncées hier par le président de la République quasi inéluctables. « Nous
devons tout faire pour éviter un reconfinement généralisé », répétait
pourtant le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, il y a encore deux
semaines. Est-ce vraiment le cas ? Sans pour autant prétendre que d’autres
auraient mieux géré cette crise, la critique est nécessaire. D’autant que les
failles et les fautes du gouvernement, qui ont en partie abouti à la situation
actuelle, ont été nombreuses.
1 Des hôpitaux toujours aussi peu armés
Lorsque la France s’est confinée, le
16 mars dernier, la principale raison évoquée par Emmanuel Macron
était « d’éviter à tout prix la saturation de nos hôpitaux ». Ce
sont donc principalement les capacités et taux de remplissage des lits de
réanimation en unités Covid qui dictent les mesures sanitaires drastiques du
gouvernement.
Or, la situation n’a que peu évolué depuis
le printemps. De 5 000 lits de réanimation structurels en mars, les hôpitaux
publics en auraient désormais 5 800, selon le ministre de la Santé, Olivier
Véran. Mais, au plus fort de la crise, avec l’ajout de lits temporaires, les
capacités avaient pu monter jusqu’à 10 700. Un chiffre qui sera beaucoup plus
difficilement atteignable les prochaines semaines, car les établissements ne
pourront plus déprogrammer autant d’opérations qu’il y a huit mois. Malgré le
Ségur de la santé, la casse de l’hôpital public n’est toujours pas endiguée, le
personnel pas davantage valorisé, tandis que les recrutements annoncés n’ont
pas été suivis d’effet : « Nous avons encore des lits fermés en
réanimation, faute d’effectifs, et des postes toujours vacants. L’hôpital est
bien moins solide qu’au printemps », déplore le professeur André
Grimaldi. Ainsi, les fameux 800 lits supplémentaires, sur le papier, n’existent
pas dans la pratique.
2 L’échec de la stratégie Tester-Tracer-Isoler
Elle était annoncée par Édouard Philippe
comme le « pilier » du déconfinement. De toute évidence, la
stratégie consistant à tester, tracer et isoler les symptomatiques et les cas
contacts n’a pas fonctionné. Le traçage a été d’emblée un échec, du fait du
fiasco annoncé de l’application StopCovid et de l’organisation désastreuse des
brigades sanitaires, dépourvues de stratégie claire. Même flou concernant
l’isolement. Les employeurs et les employés ne respectent pas toujours cette
obligation de mise en quarantaine, qui n’a pas réellement de valeur
contraignante, alors que les contrôles sont inexistants. Quant au dépistage
massif de la population, si l’objectif annoncé en avril d’atteindre 700 000
tests par semaine a été atteint, les laboratoires sont submergés. Conséquence,
il faut souvent plusieurs jours pour obtenir un rendez-vous, puis d’autres
encore pour avoir le résultat. Et puisque ni le traçage ni l’isolement ne
fonctionnent, ces délais ne font qu’accentuer l’échec de l’ensemble de la
stratégie de l’exécutif.
3 Les injonctions contradictoires du gouvernement
Déjà, le 6 mars, Emmanuel Macron
encourageait la population à « ne pas changer ses habitudes de sortie » et
à aller au théâtre, dix jours avant de les fermer. Il y eut ensuite les masques
et les tests, jugés inutiles pendant près deux mois malgré les déclarations de
l’OMS. Avant de devenir obligatoires ou massifs… Plus récemment, le
12 octobre, le gouvernement et le ministre du Tourisme, Jean-Baptiste
Lemoyne, invitaient les Français à partir en vacances à la Toussaint, avant de
les faire rentrer à la hâte ce week-end. Tout au long de la crise sanitaire,
l’exécutif a enchaîné les bourdes, les mensonges et les contradictions, tandis
qu’il peinait de plus en plus à expliquer l’intérêt de respecter certaines
mesures sanitaires.
4 Des gestes barrières à géométrie variable
Pour le premier ministre, Jean Castex, ce
n’est pourtant pas cette confusion qui a empêché de limiter la propagation du
virus. Il a préféré fustiger le supposé « relâchement » des
Français, qui semblent pourtant largement respecter les gestes barrières. Mais,
étaient-ils suffisants ? Obnubilé par la « relance de la vie économique
du pays » et le retour massif au travail, l’exécutif en a oublié,
pendant l’été, de préparer la rentrée.
L’ensemble des protocoles sanitaires, insuffisants et
complexes, sont fustigés dans les écoles et les universités, où les
contaminations ont fortement augmenté depuis le mois de septembre. Dans le même
temps, alors que les secteurs des loisirs s’amenuisaient peu à peu, les
transports en commun sont restés bondés. Et, malgré le reconfinement,
continueront à circuler dans les mêmes conditions.
Le rapport « confidentiel » qui étrille la gestion de crise sanitaire
Le
document était supposé être « à diffusion restreinte », mais il a atterri entre
les palmes du Canard enchaîné. L’hebdomadaire a dévoilé, mercredi, les
conclusions d’un rapport du général Richard Lizurey, ex-numéro un de la
gendarmerie, sur les dysfonctionnements structurels de l’administration dans la
gestion de crise sanitaire. Il met notamment en cause comme « l’un des facteurs
de difficulté de conduite » de la lutte contre le virus, les rivalités
contre-productives entre plusieurs cellules de crise : entre autres celle du
ministère de l’Intérieur, supposée être interministérielle, mais boudée par la
santé, qui a sa propre cellule. Le rapport tance aussi, à l’échelle régionale,
« la superposition des structures avec des rôles proches et des frontières de
compétences floues », entre les préfets et les directeurs des agences
régionales de santé. De quoi « complexifier le partage et la circulation de
l’information ». Contrairement au virus, qui lui circulait sans mal.
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