mercredi 28 octobre 2020

Le manque d’anticipation a-t-il précipité le reconfinement ?


Florent LE DU

Si, au vu du contexte épidémique, ce nouvel isolement généralisé de la population semblait inéluctable, il aurait sans doute pu être évité par un gouvernement qui n’a cessé de multiplier les couacs.

«Nous serons prêts. » Trois mois après avoir prononcé cette phrase avec assurance, Emmanuel Macron ne peut que constater l’échec. La France et ses hôpitaux ont été insuffisamment préparés à la deuxième vague, pourtant prévisible, rendant les décisions annoncées hier par le président de la République quasi inéluctables. « Nous devons tout faire pour éviter un reconfinement généralisé », répétait pourtant le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, il y a encore deux semaines. Est-ce vraiment le cas ? Sans pour autant prétendre que d’autres auraient mieux géré cette crise, la critique est nécessaire. D’autant que les failles et les fautes du gouvernement, qui ont en partie abouti à la situation actuelle, ont été nombreuses.

1 Des hôpitaux toujours aussi peu armés

Lorsque la France s’est confinée, le 16 mars dernier, la principale raison évoquée par Emmanuel Macron était « d’éviter à tout prix la saturation de nos hôpitaux ». Ce sont donc principalement les capacités et taux de remplissage des lits de réanimation en unités Covid qui dictent les mesures sanitaires drastiques du gouvernement.

 

Or, la situation n’a que peu évolué depuis le printemps. De 5 000 lits de réanimation structurels en mars, les hôpitaux publics en auraient désormais 5 800, selon le ministre de la Santé, Olivier Véran. Mais, au plus fort de la crise, avec l’ajout de lits temporaires, les capacités avaient pu monter jusqu’à 10 700. Un chiffre qui sera beaucoup plus difficilement atteignable les prochaines semaines, car les établissements ne pourront plus déprogrammer autant d’opérations qu’il y a huit mois. Malgré le Ségur de la santé, la casse de l’hôpital public n’est toujours pas endiguée, le personnel pas davantage valorisé, tandis que les recrutements annoncés n’ont pas été suivis d’effet : « Nous avons encore des lits fermés en réanimation, faute d’effectifs, et des postes toujours vacants. L’hôpital est bien moins solide qu’au printemps », déplore le professeur André Grimaldi. Ainsi, les fameux 800 lits supplémentaires, sur le papier, n’existent pas dans la pratique.

2 L’échec de la stratégie Tester-Tracer-Isoler

Elle était annoncée par Édouard Philippe comme le « pilier » du déconfinement. De toute évidence, la stratégie consistant à tester, tracer et isoler les symptomatiques et les cas contacts n’a pas fonctionné. Le traçage a été d’emblée un échec, du fait du fiasco annoncé de l’application StopCovid et de l’organisation désastreuse des brigades sanitaires, dépourvues de stratégie claire. Même flou concernant l’isolement. Les employeurs et les employés ne respectent pas toujours cette obligation de mise en quarantaine, qui n’a pas réellement de valeur contraignante, alors que les contrôles sont inexistants. Quant au dépistage massif de la population, si l’objectif annoncé en avril d’atteindre 700 000 tests par semaine a été atteint, les laboratoires sont submergés. Conséquence, il faut souvent plusieurs jours pour obtenir un rendez-vous, puis d’autres encore pour avoir le résultat. Et puisque ni le traçage ni l’isolement ne fonctionnent, ces délais ne font qu’accentuer l’échec de l’ensemble de la stratégie de l’exécutif.

3 Les injonctions contradictoires du gouvernement

Déjà, le 6 mars, Emmanuel Macron encourageait la population à « ne pas changer ses habitudes de sortie » et à aller au théâtre, dix jours avant de les fermer. Il y eut ensuite les masques et les tests, jugés inutiles pendant près deux mois malgré les déclarations de l’OMS. Avant de devenir obligatoires ou massifs… Plus récemment, le 12 octobre, le gouvernement et le ministre du Tourisme, Jean-Baptiste Lemoyne, invitaient les Français à partir en vacances à la Toussaint, avant de les faire rentrer à la hâte ce week-end. Tout au long de la crise sanitaire, l’exécutif a enchaîné les bourdes, les mensonges et les contradictions, tandis qu’il peinait de plus en plus à expliquer l’intérêt de respecter certaines mesures sanitaires.

4 Des gestes barrières à géométrie variable

Pour le premier ministre, Jean Castex, ce n’est pourtant pas cette confusion qui a empêché de limiter la propagation du virus. Il a préféré fustiger le supposé « relâchement » des Français, qui semblent pourtant largement respecter les gestes barrières. Mais, étaient-ils suffisants ? Obnubilé par la « relance de la vie économique du pays » et le retour massif au travail, l’exécutif en a oublié, pendant l’été, de préparer la rentrée.

 

L’ensemble des protocoles sanitaires, insuffisants et complexes, sont fustigés dans les écoles et les universités, où les contaminations ont fortement augmenté depuis le mois de septembre. Dans le même temps, alors que les secteurs des loisirs s’amenuisaient peu à peu, les transports en commun sont restés bondés. Et, malgré le reconfinement, continueront à circuler dans les mêmes conditions.

Le rapport « confidentiel » qui étrille la gestion de crise sanitaire

Le document était supposé être « à diffusion restreinte », mais il a atterri entre les palmes du Canard enchaîné. L’hebdomadaire a dévoilé, mercredi, les conclusions d’un rapport du général Richard Lizurey, ex-numéro un de la gendarmerie, sur les dysfonctionnements structurels de l’administration dans la gestion de crise sanitaire. Il met notamment en cause comme « l’un des facteurs de difficulté de conduite » de la lutte contre le virus, les rivalités contre-productives entre plusieurs cellules de crise : entre autres celle du ministère de l’Intérieur, supposée être interministérielle, mais boudée par la santé, qui a sa propre cellule. Le rapport tance aussi, à l’échelle régionale, « la superposition des structures avec des rôles proches et des frontières de compétences floues », entre les préfets et les directeurs des agences régionales de santé. De quoi « complexifier le partage et la circulation de l’information ». Contrairement au virus, qui lui circulait sans mal.

 

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