Assassiner un enseignant pour la seule raison qu’il exerçait son métier de former les esprits des futurs citoyens, c’est profaner la République tout entière. C’est cela qu’exprimera sans doute le chef de l’État, ce mercredi, à l’occasion de l’hommage national rendu à Samuel Paty, le professeur de collège tué par un fanatique à Conflans-Sainte-Honorine.
Le lieu choisi par la famille pour cette
cérémonie, entre les murs pluriséculaires de la Sorbonne, ce symbole de
l’émancipation des femmes et des hommes par l’accès aux lumières de la
connaissance, à deux pas des statues de Louis Pasteur et de Victor Hugo,
manifeste à la fois la confiance en la supériorité du savoir sur la force brute
de l’obscurantisme, et la reconnaissance de la justesse du but auquel Samuel
Paty a voué sa vie en épousant la carrière d’enseignant. Il souligne, aussi, le
fossé irréductible qui sépare la victime de son meurtrier et de ceux qui ont
inspiré son acte de haine aveugle.
Le hasard du destin a voulu que sa fin
tragique, le drame vécu par ses proches et par ses élèves acquièrent une
signification et une résonance telles dans la communauté nationale et même
au-delà que la figure et l’histoire du professeur ne lui appartiennent plus
complètement. Samuel Paty était pourtant un homme parmi les hommes et il
n’aspirait sans doute pas à devenir un héros malgré lui.
Cette héroïsation peut être propice à la récupération
au service de causes étrangères à celui qui se trouve ainsi héroïsé. Certaines
plumes ont déjà tenté d’enrôler le professeur décédé dans leur panthéon
imaginaire peuplé des « hussards noirs » immortalisés par
Charles Péguy, ces maîtres à l’uniforme aussi sévère que leur enseignement
vantés par l’écrivain chouchou des conservateurs, et qui font fantasmer
aujourd’hui les partisans du retour à une école de la IIIe République parée de
toutes les vertus. Espérons qu’Emmanuel Macron saura, de son côté, résister à
ces facilités qui rabaisseraient l’hommage, dont l’origine du mot nous rappelle
qu’il est d’abord un serment de fidélité à celui à qui il s’adresse.
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