Des souvenirs rageants remontent à la surface. Comme cette image de 1980, où le sinistre général Pinochet, tout sourire, glisse un bulletin de vote dans une urne. C’était le 11 septembre, sept ans après le coup d’État qui avait mis fin aux mille jours de l’Unité populaire de Salvador Allende. Alors que l’on torturait, emprisonnait, assassinait, que les partis politiques étaient interdits, le dictateur orchestrait un ersatz de consultation pour faire approuver une Constitution qui reste toujours en vigueur.
C’est peu dire que ce 25 octobre 2020
marque une rupture. Les Chiliens vont enfin pouvoir enterrer ce tragique
héritage pinochétiste et décider de l’instance qui rédigera la nouvelle
Constitution. Ce référendum est l’une des plus belles victoires arrachées par
l’insurrection populaire du 18 octobre 2019. Cette lame de fond a crié son
indignation face à un libéralisme sauvage qui a préempté jusqu’aux glaciers de
la cordillère des Andes. Dès 1976, Pinochet a confié l’économie aux
monétaristes adeptes de Milton Friedman. Près d’un demi-siècle plus tard, le
pays austral est l’un des plus inégalitaires de la planète. Ce modèle de
privatisation-marchandisation des droits, le dictateur s’est même payé le luxe
de le faire graver dans le marbre de la Constitution.
75 % des Chiliens affirment qu’ils
iront voter dimanche. Une nette majorité souhaite qu’une Convention
constituante, paritaire et respectueuse, des peuples originaires, rédige la
future Loi fondamentale. Cette dernière n’étanchera pas la soif de justice
sociale qui parcourt le désert d’Atacama jusqu’à la Terre de Feu. Mais elle
pourrait poser le cadre d’un État garant de la cohésion et du progrès, où les
droits et les libertés seront affirmés, où les richesses naturelles ne seront
plus pillées, où le caractère plurinational rendrait enfin justice aux peuples
natifs aujourd’hui ravalés au rang de sous-citoyens, voire de terroristes,
parce qu’ils exigent la restitution de leurs terres ancestrales bradées aux
multinationales.
Un vent nouveau souffle sur Santiago, balayant l’ombre
omniprésente de Pinochet. Adios.
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