Ce tableau est à Paris, au musée
Jacquemart-André. Il se joint à une soixantaine d’autres aquarelles et une
dizaine de peintures à l’huile de Joseph Mallord William Turner (1775-1851),
réunies pour l’exposition « Turner, peintures et aquarelles ». Elles font
partie du « Legs Turner à la nation britannique », un don de l’artiste de plus
de 30 000 pièces, conservées à sa mort par la Tate Britain.
L’exposition propose un parcours
chronologique sur la place des aquarelles dans son œuvre et sa vie. Huit salles
retracent la trajectoire de l’homme, des débuts du jeune dessinateur prodige
jusqu’aux derniers traits d’un des plus grands peintres anglais, qui noya les
formes dans un océan de couleurs.
Entre-temps, on sera d’abord plongé dans
le courant romantique qui baigne l’esprit du peintre. En attestent ses
inspirations, à l’instar de Claude Lorrain, dont il s’attela à la gravure de
son ouvrage majeur Liber Veritatis. Le Château de Caernarfon, nord du pays de
Galles (1800, aquarelle sur papier, 70,6 x 105,5 cm) témoigne de cette
influence, le choix du Moyen Âge comme thème historique (la conquête du pays de
Galles par le roi saxon Édouard Ier) et la joueuse de harpe, allégorie de l’âme
des Gallois défunts, sont des marqueurs du mouvement pictural.
On découvrira ensuite le peintre voyageur.
De ses séjours sur les bords de la Seine, de la Loire, à Venise, dans les Alpes
ou aux Pays-Bas, il puisera son audace et sa passion pour la couleur. Il
exacerbera l’utilisation de nouveaux pigments à la couleur jaune vif quand ses
contemporains lui préféraient l’ocre ou l’or. Il fera également une utilisation
intense des rouges et des pourpres, couleurs également peu en vogue alors.
Venise : vue sur la lagune au coucher du soleil (1840, aquarelle sur papier)
est significative de cette époque. Les lavis successifs et translucides, où le
pigment, noyé dans l’eau, irise le papier, comme le coucher de soleil irise le
ciel et son reflet sur la lagune. Une atmosphère chaude et rassurante s’en
dégage. Témoin de cette réalité poétique, une barque chancelle à mi-chemin
entre les éléments.
Enfin, les plus fervents admirateurs du
peintre verront peut-être dans les Ébauches colorées, avec ses grands aplats de
couleurs dont l’artiste tirait une satisfaction esthétique, les signes d’un
précurseur, se confrontant à l’abstrait.
Ce dédale confirme Turner comme maître de
l’aquarelle, mais clame surtout un peintre audacieux et novateur qui a ouvert
la voie à la modernité et permis de faire entrer la lumière et les couleurs
dans les toiles. Un personnage majeur dans l’histoire de la peinture qui a
appris à regarder le soleil en face mais, comme il a su le dire, a appris à
peindre ce qu’il voyait et non ce qu’il connaissait.
« Turner, peintures et
aquarelles », musée Jacquemart-André, 158, boulevard Haussmann, 75008
Paris. Jusqu’au 11 janvier. Réservations : www.musee-jacquemart-andre.com
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire