mardi 1 septembre 2020

« Délibérément hors sujet », l’éditorial de Stéphane Sahuc dans l’Humanité de ce jour



Aujourd’hui, pour des millions d’enfants et leurs familles, le sentiment qui domine est un soulagement teinté d’inquiétude. Soulagement de voir les enfants reprendre une scolarité, voire renouer avec l’école. Inquiétude de constater que cette rentrée qui devrait être exceptionnelle tant au niveau sanitaire que pédagogique ne l’est en rien. Pour certains enfants, cela fait près de six mois qu’ils n’ont pas vu l’école, qu’ils ne se sont pas amusés avec leurs copains, et ils vont rentrer dans la classe supérieure avec comme seul changement le fait d’être masqués ou d’avoir des professeurs masqués.

Jean-Michel Blanquer peut bien assurer: «Nous sommes préparés à tout», c’est le mot «bricolage» qui domine chez des professeurs livrés à eux-mêmes pour gérer cette rentrée hors norme. Zéro euro d’investi pour garantir la distanciation sociale; aucune réflexion sur le besoin dadaptation des programmes afin de rattraper les mois denseignement en «distanciel», absence de mesure spécifique pour réintégrer les décrocheurs du confinement dans le processus scolaire. Sur tous ces sujets, les recommandations, les propositions des organisations syndicales d’enseignants et de personnels et des associations de parents d’élèves ont soigneusement été mises de côté. Toutes pointent d’ailleurs les incohérences du ministère. Un seul exemple: 2000 suppressions de postes dans le secondaire et quelque 30000 élèves supplémentaires.

Alors, incompétences? Peut-être, mais cest surtout que le ministre, a délibérément décidé d’être hors sujet. Faire reposer, une fois de plus, sur l’engagement des personnels de l’éducation nationale la réussite de la rentrée n’est pas une politique sérieuse ni sur le plan sanitaire ni sur le plan pédagogique. En envoyant l’école dans le mur le ministre cherche à imposer sa vision de l’école publique. Une école a minima, centrée sur une certaine conception de l’apprentissage des maths, du français… et de la discipline. Pour le reste, l’éducation artistique, culturelle et physique, l’objectif est de les sortir des cursus. À charge aux familles ou aux municipalités, dans le meilleur des cas, de permettre aux enfants de les découvrir, creusant un peu plus les inégalités.
Par Stéphane Sahuc


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