La chancelière allemande prend la présidence tournante de l’Union
européenne, alors que cette dernière est confrontée à de cruciaux défis. Et non
des moindres puisque les fractures internes ne cessent de s’élargir. À une
sortie du Royaume-Uni dont les termes n’ont toujours pas été négociés
s’ajoutent les dramatiques conséquences de la pandémie.
Déjà, l’amplification de la désindustrialisation-délocalisation jette des
salariés par centaines de milliers au chômage, précarise massivement la
jeunesse et aggrave la pauvreté. Alors que la pandémie aurait dû conduire à
plus de solidarité et de coopération, nous avons au contraire assisté à
l’étalage des égoïsmes nationaux fondés sur l’idéologie bornée de la
« concurrence libre » et portés par des dirigeants européens qui, comme Ponce
Pilate, se sont lavé les mains des conséquences de l’épidémie en criant sur
tous les toits que la santé n’était pas une compétence communautaire. Ce sont
pourtant bien les multiples recommandations austéritaires qui ont affaibli les
systèmes de santé.
Pour corriger cet effet désastreux, le président français et la
chancelière, sous pression des capitalistes de leur pays, veulent lancer un grand
emprunt européen de 750 milliards d’euros, non pas auprès de la Banque
centrale européenne, qui dispense du crédit à taux d’intérêt nul, mais sur les
marchés financiers.
Il s’agit bien d’un début de mutualisation de dettes porté par le budget
européen. Mais ce plan a la particularité d’augmenter le fardeau d’une dette
assortie de taux d’intérêt prohibitifs. Du charbon sera ainsi remis dans des
circuits financiers au bord de l’implosion sans garantie pour l’emploi et
l’investissement socialement et écologiquement utile.
Les peuples seront une nouvelle fois appelés à rembourser la dette ad
vitam, tout en subissant de nouveaux chantages. L’accès à cet argent ne sera en
effet conditionné ni au travail ni à la formation ou au progrès écologique mais
bien aux « réformes structurelles » contre les services publics, l’emploi, la
Sécurité sociale et les retraites.
Tout le contraire d’un indispensable fonds pour le développement humain et
l’environnement qui aurait dû être abondé d’au moins 2 000 milliards
d’euros. Une telle innovation, à partir de la création monétaire de la Banque
centrale, servirait à financer des projets de services publics nouveaux pour le
développement humain et le climat, à lancer des productions non polluantes,
sans alourdir le boulet de la dette enchaîné aux pieds des États et qui
légitime l’austérité perpétuelle.
Voilà qui aurait ouvert la voie à un nouveau système de coordination
européenne pour protéger la santé des Européens, incluant la préservation de la
biodiversité et du climat. Cela impliquerait une autre politique agricole et
alimentaire commune orientée vers une agriculture paysanne, la fin des traités
de libre-échange, qui, de loin en loin, aboutissent à dessaisir les États de
leurs législations sur le travail, la santé et des principes de précaution
environnementaux. Ce n’est pas l’orientation du fameux couple franco-allemand,
arc-bouté sur des traités européens, qu’il faut d’urgence dépasser.
Des rencontres entre associations,
syndicats, travailleurs des deux côtés du Rhin seraient bien utiles pour
élaborer les prémices d’un tout autre projet européen coopératif.
Par Patrick Le Hyaric
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