Jusqu’où déconfiner ? Sur le plan sanitaire, la question est plus ou moins
tranchée pour les millions de Français qui s’apprêtent à remettre le nez dehors
après huit semaines passées sous cloche. Départements verts ou rouges, écoles
primaires, collèges, règles dans les transports et au travail… Les récents
efforts didactiques et cartographiés du gouvernement donneraient presque
l’illusion d’une situation maîtrisée. Chacun sait qu’il n’en est rien. Faute
d’une gestion réactive et transparente (ah, les masques…), le pari macronien de
relancer l’activité économique sans faire repartir la pandémie reste, à l’heure
qu’il est, des plus hasardeux. Mais un autre danger, tout aussi problématique,
plane sur ce déconfinement au long cours : celui de maintenir encore longtemps
sous l’étouffoir toute velléité de débat sur les issues politiques de cette
crise, sur cet « après » qui se joue dès maintenant.
Pour la forme, Emmanuel Macron, dont la majorité est de plus en plus
tiraillée, promet de retourner la table, de se défier désormais des « forces
du marché » et de réinvestir dans les services publics. Mais, dans les
faits, le président s’accommode fort bien d’un Parlement en mode mineur et d’un
état d’urgence sanitaire qui boursouffle les prérogatives de l’exécutif au
moins jusqu’en juillet. En vérité, il gagne du temps. Et il y a fort à parier
que cette conversion sociale du chef de l’État se dégonflera dans les mois à
venir face à une crise qui suggère non pas des accommodements de circonstance,
mais une remise en cause profonde du modèle néolibéral – voire civilisationnel.
De toute évidence, le
choc sanitaire n’imposera pas de lui-même une nouvelle politique. Au contraire.
Avec la crise économique majeure qui se profile, les pressions patronales pour
revenir « à la normale », tout en obtenant de nouveaux sacrifices des salariés,
seront plus fortes que jamais. Tout comme la mansuétude du gouvernement à leur
égard. Face à ce scénario tout tracé, il est indispensable d’imposer d’autres
perspectives, sociales et écologiques. C’est tout le sens de la série « Penser
un monde nouveau » que lance l’Humanité à partir
d’aujourd’hui. Une manière de déconfiner aussi les esprits. D’urgence.
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