dimanche 10 mai 2020

« L'information », le billet d’humeur de Christophe Prudhomme



Ce qui est nouveau dans cette épidémie n'est pas sa nature car celle de la grippe de Hong-Kong de 1969-1970 est assez similaire, mais c'est bien son traitement par les médias et les politiques. Pour la première fois, nous avons pu suivre quasiment en direct l'apparition puis l'évolution de la maladie avec une profusion d'informations inégalée. Malgré la volonté de contrôle de certains gouvernements, les données étaient au mieux retenues pendant quelques jours mais du fait de l'interconnexion des réseaux sociaux, la censure est vite dépassée. Pour nous médecins, il est d'un côté passionnant d'avoir la possibilité de savoir ce qui se passe en temps réel mais cela débouche sur une certaine inquiétude du fait que les informations d'hier peuvent être contredites par les informations d'aujourd'hui et qu'on attend de savoir ce que nous amènera demain.

Car selon l'adage, "trop d'informations tue l'information". Dans ce contexte, les médias d'information en continu sont confrontés à une difficulté majeure. Leur volonté d'être les premiers sur l'événement les empêche d'avoir le recul indispensable pour trier, vérifier et surtout hiérarchiser les informations. Or ces tâches sont le b.a.ba du travail des journalistes que la pression des rédactions, sous la dictature de l'audimat, ne leur permet plus d'assurer sereinement. Ils ne sont pas aidés nous plus par les "experts scientifiques", car la "science" surtout médicale ne possède pas de vérité absolue. Les querelles d'experts sont notre quotidien, ce qui est une bonne chose car la vénération d'une science toute puissante qui nous imposerait une pensée unique dans notre mode de vie, conduirait à la pire des dictatures.

Pour le citoyen, ce contexte d'incertitude est générateur d'angoisse. Toute situation de crise ne nous permet plus de nous reposer sur les habitudes de la vie quotidienne et nécessite une capacité d'analyse sur la base d'informations fiables pour pouvoir prendre une décision.
Le débat contradictoire est donc indispensable pour que chacun puisse se faire une idée. C'est une des raisons pour lesquelles, dans une démocratie, nous avons besoin de différents pouvoirs qui doivent pouvoir s'équilibrer : le législatif, le judiciaire, l'exécutif et le fameux quatrième pouvoir que sont la presse et les médias.

Dr Christophe Prudhomme


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