mercredi 13 mai 2020

« INTIMIDATIONS ANTI-OUVRIERES » (PATRICK LE HYARIC)



Une grande meute composée d’éditocrates au service de leurs employeurs –partie intégrante des milieux d’affaires– et de ministres représentant ces mêmes milieux, sonne la charge contre la CGT Confédération Générale du Travail. Son crime ? La section syndicale de l’usine Renault de Sandouville a demandé au tribunal de vérifier si les conditions sanitaires étaient réunies sur son lieu de travail. « Je regrette la décision de la CGT à Sandouville » s’est exclamé le ministre de l’économie. Nous ne savions pas que la CGT rendait les jugements en France, ni qu’elle avait pris possession du tribunal du Havre ! Et le même d’exercer un chantage à la relocalisation de la production automobile : « c’est une décision qui est mauvaise pour la nation française, au moment où on veut relocaliser des activités industrielles ». Ah bon, M. Le Maire, on se prépare ardemment au rapatriement de productions des usines Renault en France ? On se prépare aussi à ce que vous aidiez tout autant les entreprises sous-traitantes en souffrance. On vous attend donc au tournant. Mais on ne savait pas qu’un ministre contestait désormais des décisions de justice quand elles sont favorables aux travailleurs. Vous allez avoir du travail car d’autres jugements de ce type auront lieu.

Contrairement à ce que pérore la ligue anti-CGT recrée pour l’occasion, le syndicat n’a ni voulu et encore moins obtenu la fermeture du site, mais bien un délai pour que la reprise de l’activité s’effectue dans des conditions aptes à assurer la sécurité sanitaire des salariés. Le maintien du chômage partiel jusqu’au 2 juin devrait le permettre sans que cela ne pose de problèmes à une entreprise qui a bénéficié d’un prêt de 5 milliards d’euros de l’Etat.

Faut-il rappeler à ces thuriféraires de l’État de droit qu’il s’agit d’une décision de justice ? Et contrairement aux allégations répandues, celle-ci n’a pas pour objet un vice de forme procédural. Le tribunal a bel et bien statué sur « le non-respect de la réglementation de la prévention des risques pour la santé des travailleurs ». Le juge des référés n’a ni plus ni moins constaté que la Commission santé sécurité et des conditions de travail (CSSCT) ainsi que le Comité social et économique (CSE) n’avaient pas été consultés de manière régulière en vue de la reprise. Ce sont en somme les défauts d’anticipation de la direction qu’a sévèrement jugé le tribunal, lui reprochant de n’avoir pas évalué à leur juste mesure les risques professionnels et l’enjoignant à reprendre la procédure d’information-consultation depuis le début. La justice avait rendu des avis similaires concernant Amazon, Carrefour et de nombreuses autres entreprises.

Alors, pourquoi ce soudain hurlement unanime des fondés de pouvoirs contre la CGT ? Tout simplement pour imposer au pays une « relance » de l’économie violente et inégalitaire, qui réclame dès maintenant d’intimider les syndicalistes et de criminaliser l’action syndicale. Une « relance » inspirée de la « stratégie du choc », laquelle suggère aux chantres du capitalisme de profiter des traumatismes collectifs pour mettre en place leurs aspirations ultralibérales.

N’en déplaise aux éditocrates, la saisie des tribunaux fait partie de la panoplie dont disposent les salariés pour faire respecter leurs droits et, partant, d’en conquérir de nouveaux dans une situation qui rappelons-le est fondamentalement inégalitaire. Il est dès lors amusant d’entendre ce cœur unanime accuser le syndicat d’attitude « procédurière » ou de « judiciarisation » de l’action syndicale. Faut-il interdire aux salariés de se tourner vers les tribunaux alors que les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ont été détruits par la loi de destruction du Code du travail ? On sent que certains rêvent de finir le travail de sape antisocial. La crise qui se profile leur en fournirait un excellent prétexte.

Alors que dans des pays voisins des « clusters » réapparaissent, qu’en Allemagne la réapparition du virus dans un abattoir (contaminant des dizaines de salariés et après eux des centaines voire milliers d’habitants) a contraint tout un Land à se confiner à nouveau, les partisans d’une relance de l’économie aux conditions du capital cherchent l’intimidation de l’action syndicale. La menace formulée à l’encontre des salariés de l’usine de Sandouville d‘annuler certains congés ou d’allonger le temps de travail en témoigne amplement. Chair à canon hier, chair à virus aujourd’hui, le discours des classes dirigeantes sur les travailleurs n’a pas changé en plus d’un siècle.

1 commentaire:

  1. Pour ces ignobles individus le "jour d'après" ne doit pas être différents du "jour d'avant"...il nous appartient de mettre un terme à leur politique inhumaine et antisociale tous ensemble.

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