jeudi 21 mai 2020

27 ET 29 MAI : DEUX COMMÉMORATIONS, UN MÊME PROJET ! (Francis Wurtz)


Le 27 mai prochain, nous commémorerons la naissance du Conseil National de la Résistance. Cela fera, en effet, 77 ans que le CNR a tenu sa première réunion. La puissance de ce symbole -celui de l'union des forces antifascistes pour la renaissance démocratique et l'émancipation sociale- en fit, longtemps, une référence intouchable en France. Son programme, adopté le 15 mars 1944, à l'unanimité de ses composantes -communiste, gaulliste, socialiste, centriste...- , fut, durant quatre décennies, considéré comme la pierre angulaire du fameux « modèle social français », souvent gravement écorné, mais jamais récusé.
Tout changea au milieu des années 80, marqué par le début de la fin du système soviétique et, concomitamment, par l'explosion de la mondialisation capitaliste : âge d'or du « Reaganisme » d'un côté de l'Atlantique et, de l'autre, grand tournant néolibéral de la Communauté européenne, avec la signature de l'Acte unique européen, véritable trait d'union entre dirigeants politiques « Thatcheriens », chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates (1986). Il faudra attendre encore une vingtaine d'années de plus -et l'élection de Nicolas Sarkozy- pour que le MEDEF ose s'attaquer frontalement à la référence « systémique », voire civilisationnelle, du CNR. C'est Denis Kessler qui s'y emploiera dans le magazine « Challenges » (4/10/2007) avec sa véritable « leçon de choses » devenue célèbre : « Le modèle social français est le pur produit du CNR (dont le programme) se traduit par la création des caisses de Sécurité sociale, le statut de la fonction publique, l’importance du secteur public productif et la consécration des grandes entreprises françaises qui viennent d’être nationalisées, le conventionnement du marché du travail, la représentativité syndicale, les régimes complémentaires de retraite, etc.(...) Il y a une profonde unité à ce programme ambitieux (...) Il s'agit aujourd'hui de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! » Bel hommage du vice à la vertu, tel un rappel, « a contrario », des grandes batailles de notre temps ! Il faut croire que « l'effet-CNR » est toujours vivace dans la mémoire collective pour qu'Emmanuel Macron se soit cru obligé d'y faire subrepticement allusion en concluant l'une de ses récentes allocutions télévisées par ces mots directement tirés de cette belle page de notre histoire contemporaine : « Nous retrouverons les jours heureux »...
Par un hasard du calendrier, deux jours après la commémoration de la première réunion du CNR, nous célébrerons un événement bien plus récent, dont nombre de actrices et d’acteurs étaient empreints de l’esprit du CNR : la mise en échec du Traité constitutionnel européen, symbole de « l’Europe libérale » et l’affirmation de la volonté d’agir ensemble pour l’émergence d’une « Europe sociale ». Le fait que le fruit de cette victoire a pu être confisqué est un échec politique, non la fin de l’Histoire. Restent une expérience exemplaire de démocratie citoyenne et d’une mobilisation solidaire au-delà des frontières; une volonté irrépressible de conquêtes sociales, écologiques et éthiques; et aussi la conscience d’une communauté de destin de toute l’humanité, sans laquelle une « autre Europe » n’aurait de « refondée » que le nom. Les 27 et 29 mai : deux commémorations, un même projet.


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