vendredi 17 avril 2020

« LE BLEU DU CIEL », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité de ce jour !



Après les reprises du travail forcées dans des conditions incertaines de sécurité, on se demande, en feignant la naïveté et la bonne foi, comment des vacances, des prises de RTT, pourraient être compatibles avec la relance de l’économie.
Comme le célèbre « salauds de pauvres ! » lancé par Gabin dans la Traversée de Paris, voilà le « fainéants de confinés ». C’est sans surprise dans un éditorial des Échos, jeudi, qu’on trouvait cette pépite de la pensée, venant caresser le Medef dans le sens du poil : « Il serait paraît-il indécent de demander aux Français de travailler plus (…) mais pourrait-on au moins leur demander de travailler un peu ? » Geoffroy Roux de Bézieux a rétropédalé publiquement après ses propos sur les horaires de travail, les congés payés, etc., mais elle court, elle court comme un autre virus, la petite musique patronale, au sein du gouvernement comme chez les « premiers de cordée ».


On rend un hommage appuyé à celles et ceux qui sont en première ligne, on se soucie aussi, comme l’a fait le président lundi, de la situation difficile des « troisièmes lignes », mais on se prépare à les envoyer au front. Après les reprises du travail forcées dans des conditions incertaines de sécurité, on se demande, en feignant la naïveté et la bonne foi, comment des vacances, des prises de RTT, pourraient être compatibles avec la relance de l’économie. Une relance dont cela va sans dire qu’elle devrait faire remonter au plus vite les cours de la Bourse et renouer, pour peu qu’il ait été un petit moment suspendu, avec le versement des dividendes. Il n’est que de parcourir la presse dite économique pour en être persuadé. En d’autres termes, les Français sont restés chez eux deux mois à se la couler douce.

Mais la réalité est tout autre. Des voix de plus en plus nombreuses s’inquiètent des conséquences psychologiques et sociales du confinement, parfois accompagné de privations alimentaires, de violences. Des enfants, des hommes et des femmes vont en sortir brisés. Oui, la France va devoir reconstruire une économie, mais c’est avec un pays blessé. Des millions de familles, les plus modestes, vont avoir besoin d’air, de soleil, d’un temps retrouvé et non d’un temps volé. La responsabilité du pays, du gouvernement, des collectivités locales qui en demandent les moyens, des associations, des professionnels du tourisme social, mais pas seulement, ce devrait être, ce doit être de permettre à tous, et d’abord à celles et ceux qui ont le plus souffert, de retrouver le goût du bonheur et le bleu du ciel.


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