lundi 20 avril 2020

« Isolement », billet d’humeur du jour de Christophe Prudhomme


Nous avons de plus en plus d'appels au SAMU de personnes qui se présentent initialement comme des malades atteints de la maladie COVID-19 mais qui en fait souffrent de crises d'angoisse majeures. L'expression peut parfois être sévère avec un blocage de la respiration, une peur de la mort et une grande agitation. Dans de très nombreux cas, ces personnes vivent seules, sont isolées avec très peu, voire aucun contact extérieur. Il est difficile pour nous au téléphone de les rassurer car pour beaucoup, ce que nous appelons la somatisation, c'est-à-dire l'expression par des signes physiques d'une détresse psychologique, n'est dans un premier temps pas acceptable.
Il est nécessaire de passer souvent beaucoup de temps à discuter pour essayer de débloquer la situation - et oui la bonne médecine, c'est aussi avoir du temps, ce dont nous manquons trop souvent pour nos patients. Il est parfois utile d'organiser le passage d'une équipe de secouristes ou d'ambulanciers pour vérifier ce qu'on appelle la saturation en oxygène avec un petit appareil posé au bout d'un doigt. Cette simple visite constitue une bouffée d'oxygène salvatrice pour beaucoup.
Cela nous montre bien que dans nos grandes villes, trop de personnes vivent recluses sans aucun contact, alors que des dizaines de personnes vivent à quelques mètres mais restent des inconnues. Cette crise souligne ce manque de relation au quotidien dans les immeubles et les quartiers. Les fêtes des voisins ne suffisent pas à recréer le lien social perdu dans notre société où l'individualisme a trop souvent pris le pas sur le collectif.

La bonne santé ne se résume donc pas à un bon fonctionnement de la mécanique corporelle. Les relations sociales sont indispensables pour ne pas dépérir. C'est ce qui a été fortement exprimé par nos collègues dans les EHPAD pour rétablir les visites des proches. Pour les personnes âgées, nous parlons de "syndrome de glissement", terme technique pour désigner la perte du goût à la vie.

Il y a quelques jours, je vous incitais à accompagner vos applaudissements par l'affichage de banderoles à vos fenêtres, vos grilles et vos balcons. Aujourd'hui, les soignants vous demandent aussi de vous préoccuper de vos voisins, en particulier ceux qui vivent seuls. Le vivre ensemble et la solidarité sont des éléments essentiels de la bonne santé individuelle mais aussi de la "bonne santé" de notre société.
Dr Christophe Prudhomme


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