Nous avons de plus en plus d'appels au SAMU de personnes qui se présentent
initialement comme des malades atteints de la maladie COVID-19 mais qui en fait
souffrent de crises d'angoisse majeures. L'expression peut parfois être sévère
avec un blocage de la respiration, une peur de la mort et une grande agitation.
Dans de très nombreux cas, ces personnes vivent seules, sont isolées avec très
peu, voire aucun contact extérieur. Il est difficile pour nous au téléphone de
les rassurer car pour beaucoup, ce que nous appelons la somatisation,
c'est-à-dire l'expression par des signes physiques d'une détresse
psychologique, n'est dans un premier temps pas acceptable.
Il est nécessaire de passer souvent beaucoup de temps à discuter pour
essayer de débloquer la situation - et oui la bonne médecine, c'est aussi avoir
du temps, ce dont nous manquons trop souvent pour nos patients. Il est parfois
utile d'organiser le passage d'une équipe de secouristes ou d'ambulanciers pour
vérifier ce qu'on appelle la saturation en oxygène avec un petit appareil posé
au bout d'un doigt. Cette simple visite constitue une bouffée d'oxygène
salvatrice pour beaucoup.
Cela nous montre bien que dans nos grandes villes, trop de personnes vivent
recluses sans aucun contact, alors que des dizaines de personnes vivent à
quelques mètres mais restent des inconnues. Cette crise souligne ce manque de
relation au quotidien dans les immeubles et les quartiers. Les fêtes des
voisins ne suffisent pas à recréer le lien social perdu dans notre société où
l'individualisme a trop souvent pris le pas sur le collectif.
La bonne santé ne se résume donc pas à un bon fonctionnement de la
mécanique corporelle. Les relations sociales sont indispensables pour ne pas
dépérir. C'est ce qui a été fortement exprimé par nos collègues dans les EHPAD
pour rétablir les visites des proches. Pour les personnes âgées, nous parlons
de "syndrome de glissement", terme technique pour désigner la perte du
goût à la vie.
Il y a quelques jours, je vous incitais à accompagner vos applaudissements
par l'affichage de banderoles à vos fenêtres, vos grilles et vos balcons.
Aujourd'hui, les soignants vous demandent aussi de vous préoccuper de vos
voisins, en particulier ceux qui vivent seuls. Le vivre ensemble et la
solidarité sont des éléments essentiels de la bonne santé individuelle mais
aussi de la "bonne santé" de notre société.
Dr Christophe Prudhomme
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