On a du mal à voir en quoi treize heures passées au
salon pourraient apporter quoi que ce soit à l’agriculture française. Une
caresse à Ovalie, la star bovine, une lichette de camembert ou de beaufort… La
vitrine a ses limites quand, en même temps, le président renvoie dans les
cordes celles et ceux qui parviennent à l’interpeller, malgré un service
d’ordre musclé comme l’a appris un jeune homme à ses dépens. Sans doute, le
salon est-il un lieu unique, qui a heureusement retrouvé ses couleurs et ses
odeurs après l’épreuve de la pandémie. On aime s’y croiser pour goûter les
productions locales, découvrir les plus beaux animaux de nos campagnes, pour
avoir la sensation de se ressourcer, comme on dit, dans une ruralité un brin
fantasmée. La réalité est plus dure, que le président occulte, sauf pour
évoquer, ce qui ne mange pas de pain, la perspective indécise d’une discussion
avec les distributeurs sur leurs marges bénéficiaires.
Car, en dix ans, 100 000 exploitations agricoles ont disparu, passant de
490 000 à 390 000. Nous importons un poulet sur deux, deux ovins sur
trois, l’élevage bovin est en baisse, le bio recule, la sécheresse s’étend partout, les ressources en eau s’épuisent. Mais, avec cela, un autre danger menace, évoqué précisément par l’association Terre de liens. Celui de la
financiarisation des terres, à savoir leur rachat par des fonds de pension ou
des grands groupes. Parmi ces derniers, on retrouve L’Oréal, Chanel, LVMH, dont
on pourrait naïvement se demander ce qu’ils ont à voir avec le monde agricole.
En fait, rien, sauf une perspective de profit, l’entrée en Bourse du monde
agricole ajouté à leur portefeuille, en entravant du même coup l’installation
des agriculteurs ou leur relève.
C’est pour le moment relativement marginal, même si
les surfaces concernées sont passées, en vingt ans, de 7 à 14 % de la
surface agricole totale, dont on peut rappeler qu’elle représente encore près de la moitié du
territoire national. Mais le mouvement est en cours dont on peut craindre qu’il soit à l’opposé d’une exploitation raisonnée de la terre, privilégiant
le local, le développement durable et l’avenir des agriculteurs eux-mêmes.
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