Leurs visages continuent de hanter les mémoires.
Figures de la cause kurde, Sakine, Fidan et Leyla ont été abattues de
sang-froid, une sombre nuit de janvier, en plein cœur de Paris. Dix ans déjà.
Depuis, leur meurtrier a été identifié, même s’il n’a pu être jugé, décédé de
maladie pendant sa détention. Mais on ignore encore les noms des commanditaires
potentiels qui auraient armé le bras de l’auteur de cet effroyable massacre.
Pourtant, la justice pourrait remonter la piste d’éventuels donneurs d’ordres
de ce triple assassinat à la signification politique indéniable. Les preuves
existent des liens du tueur avec le MIT, les services secrets turcs. Et les
trois femmes n’ont pas été ciblées au hasard : dirigeantes kurdes
expérimentées, elles étaient la bête noire du régime d’Erdogan, et des forces
turques les plus extrémistes. Mais impossible, pour l’heure, d’établir
précisément la chaîne des responsabilités dans ce drame et, partant, de
désigner et de faire condamner les coupables, s’il s’en cache encore.
La justice se heurte au mur du
« secret-défense ». Tant que le président de la République, Emmanuel
Macron, refusera de le lever, personne n’aura accès à ce que recèlent les
dossiers dormant dans les armoires blindées des ministères français. Comme si
une « raison d’État » imposait d’étouffer la vérité au nom des
intérêts supérieurs des relations avec Ankara. Quant aux autorités turques,
elles refusent de collaborer avec la justice de notre pays.
D’intolérables zones d’ombre planent toujours sur
l’odieux crime de la rue La Fayette. Ce déni de justice est rendu plus
insupportable après la nouvelle tuerie, perpétrée rue d’Enghien, qui a
endeuillé la communauté kurde, le 23 décembre 2022. Le mobile confus
avancé par le suspect tout comme les circonstances du drame survenu au lieu et
à l’heure d’une importante réunion de femmes kurdes, heureusement décalée, justifient
l’incrédulité vis-à-vis de la version d’un crime raciste, sans autre visée
politique. D’un massacre à l’autre, la même exigence de justice et de vérité
tisse un fil invisible. Comme un pont contre l’oubli et l’impunité.
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