jeudi 10 novembre 2022

« Boomerang syndical », l’éditorial de Cédric Clérin dans l’Humanité.



Aujourd’hui, comme de coutume, l’ampleur des cortèges syndicaux va être scrutée. On sait d’avance que, quelle que soit la réussite de cette journée, la plupart des médias trouveront qu’il n’y a pas beaucoup de monde, que la CGT peine à mobiliser, etc. Mais, ­nonobstant la force des rassemblements, sorte de partie émergée de l’iceberg, une autre réalité semble hors des radars médiatiques: le nombre de conflits pour les salaires qui agitent les entreprises. Fait assez exceptionnel, depuis un an, plusieurs milliers d’entre elles connaissent ou ont connu des revendications collectives et des grèves.

Cette évolution de la conflictualité vers le niveau local a été voulue par le pouvoir et le patronat. Toutes les lois de ces dernières années visaient à renvoyer les négociations au niveau de l’entreprise, manière d’affaiblir l’action collective et le rapport de forces que les syndicats sont capables d’imposer. Isoler pour mieux régner, en somme. Mais cette stratégie de la dilution pourrait bien, tel un boomerang, se retourner contre ses théoriciens. Avec l’inflation galopante, la situation sociale est telle que d’anciens déserts syndicaux deviennent des foyers de résistance. De plus en plus de salariés se tournent vers les organisations pour obtenir leur dû et celles-ci s’adaptent à la nouvelle donne. La stratégie de contournement des syndicats pourrait donc finir par les renforcer.

Ce serait une très bonne nouvelle pour que les besoins des salariés qui s’expriment si fortement en ce moment trouvent des issues concrètes. À l’heure où l’exécutif prépare une nouvelle loi gadget sur les «dividendes salariés» qui, comme les précédentes, sera inutile pour nombre de travailleurs tout en étant nocive pour la protection sociale, la syndicalisation et la lutte collective restent les meilleures réponses. Les petits ruisseaux faisant les grandes rivières, davantage de syndiqués permettront également d’augmenter le rapport de forces pour, par exemple, imposer au gouvernement le rétablissement de l’échelle mobile des salaires. Soit une vraie loi qui irait dans le sens de la justice.

 

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