La Ve République va peut-être produire le pire : permettre à l’extrême droite d’arriver au pouvoir. Une terrible mécanique, consubstantielle des présupposés de sa fondation : l’exercice d’un pouvoir personnel. Le césarisme gaulliste, qui visait au dépassement de la « République des
partis », n’a eu de cesse d’être approfondi afin de faire de l’élection d’une personne l’alpha et l’oméga de la vie
politique. Inversion du calendrier électoral, calage du temps législatif sur le
temps présidentiel, absence de proportionnelle, invention du concept de
majorité présidentielle… La vie politique structurée par des partis porteurs de
visions de société ou représentant des intérêts de classes sociales s’est
transformée en une vie publique organisée autour de candidats visant le second
tour d’une élection.
Cette évolution fait que les électeurs sont, de plus
en plus, placés dans une logique non pas de vote pour des idées, mais de
calculs tactiques dès le premier tour. Difficile de produire de l’engagement
citoyen dans ces conditions. L’élection de dimanche est l’incarnation parfaite
de cette évolution. Haut niveau d’abstention et « vote stratège » qui
fonctionne à plein. C’est pour être certain de jouer ou de gagner l’ultime face-à-face
que, depuis des décennies, à gauche comme à droite, on instrumentalise
l’extrême droite. Sauf qu’après avoir rendu la « droite inéligible » pour reprendre une expression de Pierre
Bérégovoy, puis, au fil de sa banalisation et des déceptions, la gauche
inéligible, l’extrême droite est aujourd’hui en passe d’être élue.
Depuis des dizaines d’années, la Ve République
exclut toujours plus de pans de la société de la représentation politique afin
de permettre l’élection d’un monarque républicain. Ce système institutionnel
arrive au bout de sa contradiction : la possibilité de produire un monarque antirépublicain. Éviter cela,
c’est se laisser une possibilité de changer la donne. Pour y parvenir, il faut,
certes, comme le déclare Jean-Luc Mélenchon, « ne pas s’abandonner à la colère qui conduirait à commettre des erreurs qui seraient définitivement irréparables ». Mais au-delà, chacun doit prendre ses
responsabilités avant et au moment du vote, y compris et surtout Emmanuel
Macron.
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