mardi 12 avril 2022

« Terrible cinquième République », l’éditorial de Stéphane Sahuc dans l’Humanité.

 


La Ve République va peut-être produire le pire: permettre à lextrême droite darriver au pouvoir. Une terrible mécanique, consubstantielle des présupposés de sa fondation: lexercice dun pouvoir personnel. Le césarisme gaulliste, qui visait au dépassement de la «République des partis», na eu de cesse d’être approfondi afin de faire de l’élection dune personne lalpha et loméga de la vie politique. Inversion du calendrier électoral, calage du temps législatif sur le temps présidentiel, absence de proportionnelle, invention du concept de majorité présidentielle… La vie politique structurée par des partis porteurs de visions de société ou représentant des intérêts de classes sociales s’est transformée en une vie publique organisée autour de candidats visant le second tour d’une élection.

Cette évolution fait que les électeurs sont, de plus en plus, placés dans une logique non pas de vote pour des idées, mais de calculs tactiques dès le premier tour. Difficile de produire de l’engagement citoyen dans ces conditions. L’élection de dimanche est l’incarnation parfaite de cette évolution. Haut niveau d’abstention et «vote stratège» qui fonctionne à plein. Cest pour être certain de jouer ou de gagner l’ultime face-à-face que, depuis des décennies, à gauche comme à droite, on instrumentalise l’extrême droite. Sauf qu’après avoir rendu la «droite inéligible» pour reprendre une expression de Pierre Bérégovoy, puis, au fil de sa banalisation et des déceptions, la gauche inéligible, l’extrême droite est aujourd’hui en passe d’être élue.

Depuis des dizaines d’années, la Ve République exclut toujours plus de pans de la société de la représentation politique afin de permettre l’élection d’un monarque républicain. Ce ­système institutionnel arrive au bout de sa contradiction: la possibilité de produire un monarque antirépublicain. Éviter cela, cest se laisser une possibilité de changer la donne. Pour y parvenir, il faut, certes, comme le déclare Jean-Luc Mélenchon, «ne pas sabandonner à la colère qui conduirait à commettre des erreurs qui seraient définitivement irréparables». Mais au-delà, chacun doit prendre ses responsabilités avant et au moment du vote, y compris et surtout Emmanuel Macron.

 

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