Absentes du second tour, les forces progressistes en
appellent à Macron pour convaincre leurs électeurs de s’opposer à l’extrême
droite dans les urnes. Et s’interrogent déjà sur les législatives.
Emmanuel Macron doit comprendre ce qu’il n’a pas voulu
comprendre en 2017, répètent les oppositions de gauche. Comprendre que les
appels au barrage contre l’extrême droite ne valent ni soutien ni blanc-seing.
Au lendemain d’un premier tour qui laisse un bloc de gauche à 32 %
pour six candidatures, tous (sauf Nathalie Arthaud) peuvent s’accorder sur un
point : Marine Le
Pen ne doit pas gagner et le président-candidat
doit « mettre de l’eau dans son vin » pour convaincre les électeurs de gauche de la
faire battre. Car le report des voix PCF, FI, EELV ou même PS vers un bulletin
Macron synonyme de retraite à 65 ans, de RSA conditionné ou d’inaction
climatique est loin d’être garanti.
« Il faut qu’il entende la colère populaire. S’il présente le même programme au second tour qu’au premier, le risque d’une victoire de l’extrême droite est encore plus fort », prévient Ian Brossat, directeur de campagne du communiste Fabien Roussel.
Il attend un geste fort. Même exigence côté insoumis avec le député Adrien
Quatennens : « La responsabilité totale de ce qui va se passer au second tour incombe au principal
protagoniste, Emmanuel Macron. C’est à lui de faire le nécessaire. » Face au rejet que l’actuel chef de l’État
inspire, les écologistes disent qu’ils ne pourront « pas convaincre tout seuls » les hésitants : « Il faut qu’il aille les chercher », alerte
le maire de Grenoble, Éric Piolle. Il rappelle aussi que « les castors sont fatigués de construire des barrages ». Les insoumis, eux,
n’appellent en revanche pas directement à voter Macron mais à ce que « pas une voix (n’aille) à Marine Le Pen ».
de prétendus « candidats de trop »
Pour le reste, malgré une progression par rapport à
2017, la gauche se réveille avec une sévère gueule de bois. Chacun se renvoyant
la responsabilité d’une troisième élimination du duel final en vingt ans. La
tension, nourrie par la déception, n’a pas tardé à monter dès dimanche soir
avec, par exemple, Ségolène Royal, soutien de Jean-Luc Mélenchon
(21,95 %), s’en prenant aux « ego » de Fabien Roussel (2,28 %), Yannick Jadot (4,63 %) et Anne
Hidalgo (1,75 %) sans qui, pense-t-elle, son candidat serait « au second tour ». Dépités
d’avoir terminé à seulement 400 000 voix de Marine Le Pen, les cadres insoumis
reprennent la rhétorique. Celle qui consiste à faire porter le chapeau de la
défaite à de prétendus « candidats de trop », comme ce fut le cas, en 2002, avec Christiane
Taubira, jugée responsable de la chute de Lionel Jospin. Cette fois, pour la
FI, le Taubira de 2022 se nomme Fabien Roussel : « Oui, ses voix nous ont manqué, incontestablement », regrette Adrien
Quatennens, qui aurait souhaité que les communistes fassent candidature commune
avec les siens, comme en 2012 et 2017, escamotant leur propre responsabilité
dans la non-construction de cette union.
Les autres candidats et leurs équipes ont eu une autre
explication moins court-termiste. « En 2002, le total des voix de gauche était de 40 %, aujourd’hui, on en est loin. La gauche doit se remettre en cause et ce n’est pas seulement une question d’union, assure Ian Brossat. C’est une question de discours, de
capacité à parler aux milieux populaires qui se sont éloignés de la gauche.
Fabien Roussel a fait ce travail. » Un cadre écologiste, qui ne désespère pas d’un
futur accord législatif, lâche aussi : « Jean-Luc Mélenchon avait cinq ans pour rassembler après son score de 2017. Il ne l’a pas fait, préférant le rapport de forces, et vient
se plaindre aujourd’hui tout en refaisant la même erreur au soir du premier
tour… »
L’ensemble des forces de gauche comptent maintenant
sur les législatives, qui seront, selon le secrétaire national d’EELV, Julien
Bayou, le « troisième tour ». Un
scrutin lors duquel la France insoumise « veut imposer une cohabitation » à Macron, d’après Adrien Quatennens. Sans pour
autant proposer d’alliance aux autres afin de créer cette hypothétique
majorité. À l’inverse, Fabien Roussel et Olivier Faure, premier secrétaire du
PS, ont respectivement appelé toute la gauche à « reconstruire (ensemble) l’espoir » dès juin et à « construire ensemble un pacte (législatif) pour la justice sociale et écologique ». De
leur côté, bien qu’un temps réticents à discuter, les écologistes ont
aujourd’hui tout intérêt à ouvrir les négociations. Ne serait-ce que pour
sauver un parti menacé par le non-remboursement de ses frais de campagne et qui
a lancé un appel aux dons pour trouver 2 millions d’euros en deux
semaines. Le PCF, EELV et le PS espèrent un « rééquilibrage » des forces lors des législatives, où la dynamique de « vote utile » pour la FI devrait être moins prégnante.
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