L’autocrate sanguinaire du Kremlin doit s’en frotter les mains. Les
va-t-en-guerre du café de Flore, aveuglés par leur manichéisme bêta, appellent
au boycott des artistes et de la culture russes. Ou comment tomber dans tous
les pièges. Bannissement des œuvres de compositeurs russes, interdiction d’un
cours sur Dostoïevski, annulation de spectacles, exclusion de cinéastes et donc
assignation des artistes russes à résidence… Quelle bêtise ! Et quelle
honte quand on sait combien nombre d’entre eux prennent des risques pour s’opposer à Vladimir Poutine. Malgré les menaces d’emprisonnement,
des cinéastes ont créé un collectif et réalisent des courts métrages pour
dénoncer l’invasion russe. Face à une guerre qu’ils qualifient de « désastre », de « honte » ou encore de « plus grand échec moral de notre siècle », des dizaines de milliers d’artistes et d’acteurs
culturels ont signé une lettre ouverte intitulée « Non à la guerre ». Certains ont démissionné de leurs fonctions. Et il faudrait les sanctionner,
donc ?
Quand les armes parlent, les lois se taisent. Pas la culture. Boris
Godounov n’a-t-il rien à nous dire sur la guerre actuelle ? Et l’œuvre de Dostoïevski ? Les mêmes qui dénoncent la « cancel culture » se lancent aujourd’hui dans une chasse aux sorcières ridicule. Aux pires moments de tension avec l’Iran, nous n’aurions pas interdit à ses cinéastes de
présenter leur film à Cannes. Aussi saluons ici la position prise mercredi par
la ministre de la Culture d’accueillir les artistes russes « obligés de s’exiler ». « On ne va pas arrêter Moussorgski, on ne va pas arrêter Tchaïkovski, on ne va pas arrêter de
jouer Tchekhov. Il y a des demandes de boycott qui ne correspondent pas à ce
qu’est pour nous la culture », a-t-elle estimé.
D’autant que ce boycott culturel est un cadeau fait à Poutine, qui ne
manquera pas de l’instrumentaliser pour exacerber ses délires nationalistes et
sa paranoïa belliqueuse. Le 27 février, à l’opéra de Naples, à la fin d’une
représentation d’Aïda, deux artistes lyriques russe et ukrainienne se
sont avancées sur la scène avant de s’enlacer, sans un mot. Le public les a
ovationnées au cri de « pace ». « La guerre : c’est l’humanité contre l’humanité, malgré l’humanité. »
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