lundi 17 janvier 2022

« Pas sur la tête », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité.



L’Europe, bien sûr, mais pas sur la tête. C’est une grande duperie de nous la présenter comme une idée neuve. Elle ne fut pas seulement, au cours des siècles, celle des guerres, mais aussi celle des courants artistiques, des lumières à l’heure de la Révolution française, du printemps des peuples au milieu du XIXe siècle… Avec le drapeau de l’UE sous l’Arc de triomphe, Emmanuel Macron, au moment où la France en prend la présidence, voudrait se présenter comme son champion et en faire un axe majeur de sa campagne électorale en opposant l’ouverture de sa politique aux replis souverainistes et identitaires, en affirmant la nécessité d’une union européenne forte entre les États-Unis et la Chine, en feignant de tenir un discours social…

Mais cette Europe-là n’est pas celle des peuples. C’est contre eux qu’elle a été construite. À qui profite le dumping social, que favorise un salaire minimum à quelque 3 euros en Bulgarie et à 20 euros au Luxembourg ? Par quelle alchimie les masses financières débloquées par la Banque centrale européenne pour faire face à la crise sanitaire se sont-elles transformées en or pur pour les multinationales et les stars du CAC 40 ? Comment les discours sur les droits de l’homme se transforment-ils en barbelés aux frontières, quand la Méditerranée devient le plus grand cimetière marin au monde, suivie par la Manche ? Comment parler du rôle de l’Europe dans le monde quand elle est arrimée à l’Otan, sous commandement américain depuis des décennies, et que de sous-marins en discussions sur l’Ukraine, on se fait, disons-le comme ça, rouler dans la farine.

Oui, cette Europe est une duperie, et c’en est une autre de nous la présenter comme notre avenir. L’Europe que nous voulons, c’est celle de l’harmonisation sociale et fiscale par le haut, des coopérations et des échanges dans le respect des nations, pour de vraies politiques environnementales, sanitaires, des économies tournées vers le bien public, pour la culture. Ce n’est pas celle du repli, ni celle d’Emmanuel Macron.

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire