Il est le sujet bien pratique pour en même temps désigner un ennemi de
l’intérieur et faire mine de protéger d’un péril extérieur : la menace de
rétablir le droit du sang. On l’entend ces temps-ci dans la bouche d’à peu près
tout ce qui se définit de droite. Réservé à son extrême, il y a encore quelques
années, c’est devenu l’un des mots à la mode. C’est un symbole commode : il
sous-entend que certains parmi nous ne sont pas tout à fait français. Et ce
serait d’eux que viendraient tous nos maux actuels. Il a aussi l’avantage de
murmurer que d’autres attendent à nos portes pour devenir français et nous
envahir à leur tour. « La nationalité ne peut pas s’acquérir par hasard
(…) ceux qui veulent devenir français doivent s’assimiler, adhérer aux valeurs
de la République », dit ainsi Éric Ciotti. Une rhétorique assez
étrange en réalité. Le retour du droit du sang, c’est le retour à la
citoyenneté par l’hérédité. Or, c’est précisément l’instauration de la
République qui a permis cette avancée décisive : une nation, communauté
politique composée de citoyens. Les prémices du droit du sol viennent donc de
cette Révolution française dont on voudrait encore saper les fondements au nom
de la République qu’elle a elle-même instaurée. Étrange.
Mais, si l’on suit le
raisonnement d’Éric Ciotti (et d’autres), il faudrait revenir à une époque où
on devenait français (ou roi) grâce à sa filiation… c’est-à-dire un peu par
hasard. Nul besoin, donc, de se reconnaître en quoi que ce soit dans la devise
républicaine. Au nom de la République, on pourrait être français sans être
républicain. Absurde. Au-delà des jeux d’estrade, le sujet est en réalité à ce
point compliqué que même Vichy n’a pas aboli le droit du sol. Les vichystes
nous ont cependant appris combien il était dangereux de choisir les bons et les
mauvais Français. Dans le camp de ces derniers, déchus de leur nationalité, on
trouvait alors non seulement des juifs, des résistants, des communistes, mais
aussi de Gaulle et Mendès-France.
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