Le premier ministre
s’est rendu à Bobigny pour annoncer une renationalisation du RSA dans le département.
Après le rapport parlementaire alertant sur les carences de l’État, la mesure
est saluée par le député communiste Stéphane Peu, qui la juge toutefois
insuffisante. Entretien.
STÉPHANE PEU, Député
de Seine-Saint-Denis
Deux ans après l’annonce du plan « L’État fort en Seine-Saint-Denis » par
son prédécesseur, Édouard Philippe, le premier ministre, Jean Castex, s’est
rendu mardi à Bobigny pour en dresser un bilan flatteur et annoncer une
« nouvelle étape ». Dans ce département où le taux de pauvreté est de
28,6 %, le double de la moyenne nationale, la renationalisation du RSA va
être expérimentée. Mais ce retour de l’État n’est que partiel, comme les
mesures de rattrapage précédentes, selon le député PCF Stéphane Peu.
Le premier ministre vante les résultats du plan « L’État fort en
Seine-Saint-Denis », lancé en 2019, après le rapport parlementaire
Cornut-Gentille pointant les très fortes inégalités dont souffre le territoire.
Quel est votre bilan ?
Stéphane Peu : Indéniablement, ce rapport auquel j’ai contribué a eu
des effets. Il a permis d’objectiver une situation et de confirmer à quel
point, sur les trois principales politiques régaliennes – la police, la justice
et l’éducation –, ce territoire est traité en parent pauvre. À partir de ce
consensus sur le constat, loin d’une position victimaire, nous avons simplement
exigé un traitement à égalité. Le plan annoncé en 2019 compte des mesures
partielles mais, néanmoins, de rattrapage. Reste qu’un chiffre montre que
l’égalité républicaine est encore loin d’être acquise : 63 % de la
population vit ici en quartier prioritaire de la politique de la ville. C’est
15 % dans les Bouches-du-Rhône et dans le Nord, avec lesquels le
département est parfois comparé. Avant la fin de la session parlementaire, fin
février, avec mon collègue François Cornut-Gentille, nous publierons un rapport
de suivi de ce plan.
Sur les principales carences de l’État, les actions entreprises sont-elles
à la hauteur ?
Stéphane Peu : D’ores et déjà, on constate un effort sur la justice,
avec notamment 35 greffiers supplémentaires, 12 magistrats et une
accélération de l’extension et de la reconstruction du tribunal de Bobigny.
Mais le retard était tellement immense et le différentiel de moyens affectés si
important qu’on ne saurait se satisfaire d’un rattrapage qui laisse encore la
Seine-Saint-Denis très loin de la moyenne nationale. Sur la police, les efforts
sur les effectifs restent à vérifier, car on nous annonce, par exemple,
30 policiers supplémentaires mais, dans le même temps, 45 départs
sont prévus. Par ailleurs, au-delà des problèmes d’effectifs, qui sont
absolument essentiels, nous pointions aussi la nécessité d’un changement de
doctrine, d’un travail sur le rapport police-population, du retour d’une police
de proximité. Ce n’est toujours pas à l’ordre du jour.
En matière d’éducation, le dédoublement des classes et des moyens
supplémentaires sont mis en avant…
Stéphane Peu : La réussite éducative n’est toujours pas au centre des
politiques publiques. Bien sûr, le dédoublement des CP-CE1 est salué par tous.
Mais cela se traduit par la disparition d’autres dispositifs efficaces, comme
« plus de maîtres que de classes » ou le réseau d’aide individualisée Rased. Au
lieu de marcher sur la jambe droite, on marche sur la gauche, mais on est
toujours à cloche-pied. Surtout, on continue de supprimer des classes et les
remplacements des profs absents sont totalement déficients. En conséquence :
entre le CP et la 3e, un élève connaîtra l’équivalent d’une année scolaire sans
professeur, ce qui n’existe nulle part ailleurs en France.
Jean Castex a également lancé l’expérimentation de la renationalisation du
RSA. Est-ce une solution satisfaisante au regard des besoins ?
Stéphane Peu : Depuis
2004, le RSA repose principalement sur les ressources des départements.
Résultat, plus votre département est fragile socialement, plus le nombre
d’allocataires est important, plus les habitants sont mis à contribution. Cette
expérimentation est donc positive dans le sens où elle est un pas vers un
retour à une véritable solidarité nationale, mais elle est très partielle. En
2012, le RSA représentait en Seine-Saint-Denis 318 millions d’euros, en
2020, c’est 551 millions d’euros. L’expérimentation prévoit une nouvelle
part prise en charge par l’État au-delà de 520 millions d’euros, soit
grosso modo un retour à la situation antérieure. D’autant que l’État rogne sur
d’autres dispositifs, notamment sur la dotation de fonctionnement ou les droits
de mutation. Ce qui a conduit une majorité de départements initialement
intéressés par l’expérimentation à y renoncer. Sans être partisans du tout ou
rien, nous continuons à défendre une renationalisation totale du RSA.
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