Un sommet mondial sur la
santé du G20 s’ouvre vendredi en Italie, alors que le Covid-19 a déjà fait plus
de 3 millions de victimes. Les députés européens ont adopté une résolution
pour un accès équitable au sérum en faveur des pays en voie de développement.
À Rome, ce vendredi, s’ouvre le sommet mondial de la santé réunissant la
Commission européenne et les 20 pays les plus riches de la planète : le G20. En
pleine crise sanitaire mondiale, avec la pandémie de Covid-19, les dirigeants
du G20, responsables d’organisations internationales, représentants
d’organismes de santé promettent de « partager les enseignements tirés
de la pandémie », d’élaborer et approuver une « déclaration de
Rome » énonçant une série de principes « de coopération
multilatérale » et « d’action commune » en vue de
prévenir « de futures crises sanitaires mondiales ». On attend désormais
des actions. Car plusieurs dirigeants de pays en voie de développement et des
ONG condamnent un « réel apartheid vaccinal ».
80 % de doses sont administrées dans les pays riches, qui abritent 15 % de
la population mondiale. À tel point que le directeur général de l’Organisation
mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, alerte sur « l’énorme
fossé qui se creuse ». Son argument : « Les habitants des pays à
bas revenu, qui constituent près de la moitié de la population du globe, n’ont
reçu que 17 % des doses produites. Dans certains pays où les taux de
vaccination sont les plus élevés, on semble penser que la pandémie est
terminée, alors que d’autres connaissent d’énormes vagues d’infection. »
Avec 3,42 millions de morts au niveau mondial depuis le début de la
pandémie, l’ONU et l’OMS attendent de véritables mesures de la part des pays
riches. Face à une épidémie qui ne faiblit pas, la cupidité, pourtant, prime
encore. L’industrie pharmaceutique a pourtant vu neuf de ses dirigeants devenir
de nouveaux milliardaires, selon l’ONG Oxfam dans un communiqué publié jeudi.
Ces nouvelles fortunes ont émergé « grâce aux profits faramineux des
groupes pharmaceutiques, qui ont un monopole sur la production de vaccins
contre le Covid ». Parmi elles, on trouve notamment le PDG français de
Moderna, Stéphane Bancel.
« La contre-offensive est lancée depuis une dizaine de jours par plusieurs
États et le capitalisme pharmaceutique. L’argumentaire étant que la levée des
brevets ne répond pas au transfert technologique ou à la production. Sauf que
les trois sont liés. Et l’OMS est capable aujourd’hui d’assurer l’ensemble de
la chaîne. Elle possède une expertise sur ces transferts technologiques, elle
dispose des réseaux de laboratoires et des lieux de production. Sur l’ARN
messager, elle vient d’ailleurs de créer une plateforme de partage de
technologie, libre de propriété intellectuelle. Les scientifiques américains
qui sont à l’initiative de la découverte ont d’ailleurs passé des accords pour
produire ce type de vaccin en Thaïlande. L’Inde, le Bangladesh ou l’Indonésie
disposent aussi de la même capacité. Il faut donc arrêter notre vision
coloniale », explique Maurice Cassier, sociologue au CNRS.
La Commission européenne attendue sur des actes
Une victoire inattendue est venue du Parlement européen. Dans la nuit de
mercredi, les députés ont voté majoritairement pour la levée temporaire « des
droits de propriété intellectuelle pour les vaccins anti-Covid, les équipements
et les traitements » en soutien à l’initiative de l’Inde et de
l’Afrique du Sud à l’OMC. 293 eurodéputés ont voté pour l’amendement, tandis
que 284 élus, majoritairement membres du PPE (droite) et de Renew (libéraux),
se sont prononcés contre. 119 se sont abstenus. « Ce vote est hautement
symbolique, voire historique. En l’espace d’un an, nous avons réussi à obtenir
le soutien d’une large majorité de parlementaires. Cette victoire intervient
grâce à une formidable mobilisation citoyenne et la campagne ’’Pas de profit
pour la pandémie’’. C’est aussi une cinglante réponse au discours idéologique
et politique contre la levée des brevets entendu ces derniers jou rs.
Bien évidemment que cela ne suffit pas. Mais sans cette étape, le transfert
technologique et la production ne peuvent pas avoir lieu », se réjouit Marc
Botenga, eurodéputé du Parti de travail de Belgique, membre de la Gauche.
Ce vote intervient juste avant un sommet extraordinaire du Conseil
européen, les lundi 24 et mardi 25 mai, qui portera notamment sur la
pandémie et met la pression sur les dirigeants européens. Car la résolution
demande à la Commission européenne « une stratégie vaccinale claire et
cohérente, centrée sur l’accès équitable, rapide et abordable à la vaccination
anti-Covid pour les pays en développement » et d’inciter « les
laboratoires à partager leur savoir-faire et leurs données » via
l’OMS. Une résolution qui intervient juste avant une réunion de l’OMC, le
8 juin, qui pourrait s’avérer décisive pour la levée des brevets.
L’Afrique du Sud et l’Inde, qui ont élaboré une proposition commune à
l’automne 2020 pour faciliter l’accès aux vaccins aux pays les plus
démunis, vont déposer une nouvelle demande auprès de l’OMC, soutenue par la
Bolivie, l’Égypte, le Kenya, l’Indonésie, le Mozambique, la Mongolie, le
Pakistan, le Venezuela, le Zimbabwe… « En attendant de connaître la
proposition des États-Unis, nous montrons aujourd’hui que les élus et l’opinion
publique en Europe sont largement favorables à l’initiative de l’Inde et de
l’Afrique du Sud. Maintenant nous voulons des actes de la Commission européenne
et des 27 avant la session de l’OMC », fustige l’eurodéputé belge.
Jusqu’à présent, la Commission européenne préfère envisager des licences
obligatoires à la levée des brevets. Son vice-président, Valdis Dombrovskis, en
charge du Commerce, a annoncé le dépôt d’une proposition en ce sens à l’OMC et
plaidé que pour « accélérer la production et partager les vaccins
fabriqués plus largement et plus rapidement à un coût accessible, c’est la
seule solution efficace pour combattre cette pandémie partout ».
Les États-Unis n’ont toujours pas remis leur contribution pour la levée des
brevets. Un temps opposée à cette idée, l’administration Biden est finalement
revenue sur sa position au début du mois. « La volonté des principaux
laboratoires en charge des vaccins d’écarter d’autres producteurs pour garder
leur oligopole résulte inévitablement en des millions de morts qui auraient pu
être évitées. Pire, on s’interroge désormais si cette pandémie de Covid-19 ne
deviendrait pas endémique », constate Maurice Cassier.
Une gouvernance mondiale en question
Du côté de la Chine, le porte-parole du ministère du commerce, Gao Feng, a
réaffirmé, le 13 mai, que Pékin « soutient la proposition de l’OMC
pour des exemptions de propriété intellectuelle sur les matériels
anti-épidémiques tels que les vaccins anti-Covid » et que
l’organisation pouvait « jouer un rôle positif » pour
l’accessibilité des vaccins au niveau mondial. Si dès le printemps 2020, elle
avait défendu les vaccins comme un « bien public mondial », c’était
la première fois que le gouvernement chinois évoquait clairement sa position à
l’OMC.
Face à l’inaction et aux
risques sanitaires, un appel, à l’initiative du Comité international pour
l’abolition des dettes illégitimes (CADTM), a été signé par 200 organisations
des cinq continents, mardi. Intitulé « Mettons fin au système de brevets
privés », ce dernier réclame leur suspension en priorité mais aussi de revoir
totalement le système actuel de gouvernance mondiale. Les signataires proposent
donc : « l’élimination des secrets commerciaux », « l’accès
universel, libre et gratuit à la vaccination et au traitement », « l’introduction
de taxes sur la richesse pour financer la lutte contre la pandémie », « la
suspension du paiement des dettes », « l’augmentation des
investissements et des budgets publics alloués aux politiques publiques de
santé et de soins de proximité ».
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