Par décision unanime
d’un jury populaire, le policier américain a été reconnu coupable du meurtre de
George Floyd. Grâce notamment au mouvement Black Lives Matter, le climat n’est
plus à l’impunité aux États-Unis.
« Coupable. » Il n’a fallu qu’une dizaine d’heures de
délibération au jury pour rendre le verdict : Derek Chauvin est jugé
« coupable » des trois chefs d’inculpation (meurtre au deuxième degré, meurtre
au troisième degré et homicide involontaire) pour lesquels il comparaissait.
Onze mois après la mort de George Floyd sous le genou de ce policier blanc de
45 ans, c’est « une victoire pour la justice », s’est
félicitée la famille de la victime, tandis que le verdict était accueilli par
une explosion de joie de la foule massée devant le tribunal.
Les 12 jurés – 7 femmes et 5 hommes – ont donc suivi
les conclusions du procureur. « Cette affaire est exactement ce à quoi
vous avez pensé au départ, en regardant cette vidéo, a lancé, lundi, Steve
Schleicher dans son réquisitoire. C’était un meurtre, l’accusé est
coupable des trois chefs d’accusation et il n’y a aucune excuse. (George
Floyd) a appelé à l’aide dans son dernier souffle, mais l’agent ne l’a
pas aidé, (Derek Chauvin) est resté sur lui. » Au cours des trois
semaines du procès, l’avocat de la défense avait tenté d’instiller le doute en
arguant que George Floyd avait succombé à un abus de drogue.
Le juge doit prononcer la sentence dans les deux prochains mois
Aux États-Unis, l’unanimité des 12 jurés est requise pour obtenir un
verdict. Il suffisait donc d’un seul récalcitrant à l’évidence pour faire
annuler le procès. Lorsque le tribunal a annoncé mardi soir que le jury avait
rendu son verdict, au lendemain des réquisitoires, le doute n’était guère
permis sur l’issue, un temps de délibération très rapide étant presque toujours
de bon augure pour l’accusation. Derek Chauvin a été menotté et emmené en
prison. Le juge, Peter Cahill, doit prononcer la sentence dans les deux mois
qui viennent. L’ancien policier encourt au minimum douze ans et demi de
prison. Le magistrat a toute latitude pour aggraver la peine s’il conclut à
l’existence de circonstances aggravantes.
« C’est une victoire pour ceux qui luttent pour la justice contre
l’injustice », s’est félicité l’avocat Ben Crump, entouré de la famille Floyd,
concluant : « Nous quittons Minneapolis en sachant que l’Amérique est
meilleure. » « Nous avions besoin d’une victoire dans ce dossier,
c’était très important et nous l’avons eue, a confié à l’AFP Rodney Floyd,
un des frères de la victime. Nous allons peut-être respirer un peu
mieux maintenant. » Une référence aux derniers mots de son frère qui,
sous le joug de Derek Chauvin, avait supplié : « Je ne peux pas
respirer. » Cette expiration était devenue ensuite un slogan lors des
immenses manifestations qui se sont déroulées aux États-Unis, « le plus
important mouvement social de l’histoire du pays », selon l’historien
Pap Ndiaye. Jamais autant de personnes ne s’étaient mobilisées dans autant de
villes autour d’une cause commune : celle de la dénonciation des meurtres
policiers et du racisme systémique.
L’antiracisme politique a fait évoluer le débat public
Ce n’est pas seulement la masse des personnes mobilisées qui a fait évoluer
le débat public outre-Atlantique mais également la teneur de leur
message. « On est sur de l’antiracisme politique, pas sur une question
morale de bien, de mal ou de bonne volonté », constatait, quelques
semaines à peine après le déclenchement du mouvement, Charlotte Recoquillon,
chercheuse à l’Institut français de géopolitique, dans un entretien à l’Humanité (12 juin 2020). L’empreinte de Black Lives
Matter sur l’évolution des mentalités est désormais indélébile. Elle a permis
d’instaurer un nouveau climat idéologique dans lequel il devient plus
difficile, si ce n’est impossible, de trouver des circonstances atténuantes ou
de « blanchir » des policiers. « Ce verdict est un tournant dans
l’Histoire », estime Ben Crump.
Fait exceptionnel, le
président des États-Unis, après avoir téléphoné à la famille de la victime, a
prononcé un discours officiel. « Le verdict de culpabilité ne fera pas
revenir George », a-t-il déclaré, dénonçant le racisme qui « entache » l’âme
de l’Amérique. Joe Biden et de nombreux élus démocrates veulent y voir le signe
d’un « changement significatif ». Quelques heures avant le verdict,
une adolescente noire de 16 ans était tuée par la police dans l’Ohio,
terrible symbole du chemin restant à parcourir.
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