Qu’un journal aussi peu révolutionnaire
que le Monde s’en prenne au « séparatisme » des riches – un
choix sémantique lourd de sens dans le débat politique du moment – montre que
recule enfin le déni des insupportables privilèges de la fortune. Fini, le
temps pourtant guère lointain où l’on pouvait affirmer sans risque que baisser
l’imposition sur le capital sert les intérêts de tous, ou que l’Europe a fermé
ses paradis fiscaux. La révolte des gilets jaunes est passée par là, donnant
corps et voix à la revendication de justice fiscale résumée en un slogan –
rétablir l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune). La crise du Covid-19, en
amplifiant les inégalités et en creusant les déficits budgétaires, en a
renforcé l’impérieuse actualité.
OpenLux, le nom de l’opération menée par
un consortium de médias pour faire la lumière sur l’évasion fiscale au
Luxembourg, met des chiffres et des noms de sociétés ou de particuliers du
monde entier sur un phénomène déjà connu et documenté : le rang qu’occupe le
Grand-Duché dans le top 5 planétaire des paradis fiscaux. Les réformes
européennes conduites pour moraliser les pratiques de ces places financières ne
les ont pas changées, elles les ont juste rendues moins opaques. L’enquête de
nos confrères met ainsi au jour l’existence de 55 000 sociétés offshore
basées au Luxembourg, à la tête de 6 500 milliards d’euros d’actifs.
Quinze fois le budget d’un État comme la France. Une grande part de cette manne
échappe à l’impôt normalement dû dans les pays qui l’ont générée, mettant à mal
leurs finances.
Une des réponses a consisté pour les États à entrer
dans la course au moins-disant fiscal, en offrant aux plus riches les moyens
légaux de s’affranchir de leur contribution à la solidarité nationale. En
France, on observe ainsi une certaine continuité entre les présidences Chirac,
Sarkozy et Macron dans l’acharnement à réduire l’impôt sur le capital. Or, cela
n’a conduit qu’à renforcer le « séparatisme » des riches, sans jamais faire la
preuve des retours sur investissement promis. Le contraire du séparatisme porte
un nom, ça s’appelle le communisme. Il est peut-être temps de sortir le mot du
purgatoire.
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