Sous la pression des associations et après une valse
des textes à l’Assemblée, c’est à cet âge que, désormais, tout acte sexuel d’un
adulte sur un enfant deviendrait soit un crime, soit un délit.
« La société nous conduit à changer le
droit. » Sentencieux mais explicite, le ministre de la Justice s’est
invité, mardi soir, au journal de France 2 pour revenir sur la protection
des mineurs face aux violences sexuelles. Le gouvernement est désormais prêt à
créer un nouveau crime, sanctionnant tout acte de pénétration sexuelle d’un
majeur sur un mineur de moins de 15 ans. Une demande très forte des
associations de protection de l’enfance qui avait pris une ampleur inédite avec
les révélations d’incestes et de viols se succédant publiquement depuis le
début de l’année.
La revendication sociétale qui monte
contre l’impunité des violeurs était déjà relayée par trois propositions de loi
(PPL) en cours. La première avait reçu l’assentiment du Sénat en première
lecture, le 21 janvier dernier. Le texte d’Annick Billon crée un nouveau
crime sexuel sur mineur de 13 ans. Soit une toute nouvelle infraction qui
permettrait, par ce tour de passe-passe juridique introduisant un seuil d’âge,
d’éviter l’obstacle de l’inconstitutionnalité contre lequel s’était heurtée Marlène
Schiappa en 2018. Mais, pour une quarantaine d’associations de protection de
l’enfance, cet âge plancher est trop bas. De plus, le projet de texte Billon
n’évoque ni les délits d’agressions sexuelles ni les incestes. Bref, trop
succinct. À mettre au panier.
Un troisième texte a été déposé par la députée LaREM Alexandra Louis
C’est apparemment ce que s’apprêterait à
faire le gouvernement en rebondissant sur une nouvelle proposition de loi
présentée en commission, ce mercredi, à l’Assemblée nationale. La députée
socialiste Isabelle Santiago est soutenue par les associations contestataires
de la PPL Billon, qu’elle a largement consultées. Son texte porte cette fois-ci
le seuil d’âge à 15 ans et crée de nouvelles infractions
spécifiques. « Juridiquement, on sort de la définition du viol et de
l’agression sexuelle qui existe aujourd’hui, détaille Michèle Créoff,
juriste et membre du Collectif pour l’enfance, pour créer des
infractions totalement autonomes, de façon à éviter le risque
d’inconstitutionnalité qui était le problème lors de la loi Schiappa. La
proposition de loi est simple : tout acte de pénétration sexuelle commis par un
adulte sur un mineur de moins de 15 ans est un crime puni de vingt ans de
réclusion criminelle. » Concernant le délit, défini par tout acte de
nature sexuelle commis par un adulte sur un mineur de moins de 15 ans, il
est puni de dix ans d’emprisonnement. « On exclut toute idée de
consentement. Il n’y a plus de référence à une quelconque violence, menace,
surprise, etc., pièges tendus la dernière fois et qui avaient fait que le
Conseil d’État avait retoqué le texte », assure l’ex-inspectrice aux
affaires sanitaires et sociales. Ce seuil serait relevé à 18 ans dans les
situations d’inceste.
Mais surprise ! Un troisième texte a été déposé
in extremis avant-hier par la députée LaREM Alexandra Louis (ex-rapporteuse de
la loi Schiappa), qui a fait adopter par amendement la réécriture de
l’article 1 de sa consœur, en reprenant les infractions autonomes.
Isabelle Santiago s’en est remise à la sagesse des parlementaires, tout en
regrettant une « manœuvre » du groupe LaREM. « Nulle
manœuvre politicienne », a répondu Alexandra Louis… mais l’assurance
d’obtenir ainsi la majorité présidentielle. En amont, le garde des Sceaux et le
secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, Adrien Taquet, entendent
aussi avancer sur un sujet plus épineux : la prescription. Éric Dupond-Moretti
travaille sur une « prescription échelonnée », qui permettrait à
plusieurs victimes d’un même agresseur de pouvoir le poursuivre si au moins
l’une des affaires n’est pas prescrite. La prise en compte spécifique de
l’inceste est aussi étudiée.
Si le gouvernement prend position aujourd’hui, tout en
relevant « la complexité du travail normatif » à réaliser qui
impliquera sans doute une refonte du Code pénal, les associations restent
vigilantes. Elles craignent encore de basses manœuvres stratégiques pour
apaiser leur lobbying actif ou, pire, un renoncement au dernier moment, en
accusant les institutions de ne pas vouloir suivre en cas
d’inconstitutionnalité relevée.
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