« Notre pays ne remplit pas ses devoirs à
l’égard des plus vulnérables. » Ce terrible constat sur les Ehpad,
corroboré par des élus FI et PCF, a été dressé par une députée LaREM... en
2017. Depuis, le gouvernement a reçu une foule de rapports alertant sur la
situation catastrophique dans les établissements pour personnes âgées
dépendantes. Mais les solutions proposées ont quasiment toutes été enterrées.
Avant même d’être frappés de plein fouet par l’épidémie de coronavirus, les
Ehpad étaient déjà en « profonde crise ». La sonnette d’alarme a été tirée à
maintes reprises, et de nombreux rapports ont été remis au gouvernement depuis
l’élection d’Emmanuel Macron, qui n’a jamais répondu à la hauteur des enjeux.
Dès septembre 2017, les députés PCF et FI s’émeuvent d’une grève de 117 jours
dans un établissement, les Opalines à Foucherans (Jura).
La commission des
Affaires sociales met en place une « mission flash » en urgence, conduite par Monique
Iborra. « Notre pays ne remplit pas ses devoirs à l’égard des plus
vulnérables », alerte la députée LaREM, qui livre des conclusions au
vitriol. Les Ehpad sont en sous-effectif grave, avec des conditions de travail
indignes. Les accidents du travail y sont deux fois supérieurs à ceux du BTP.
Les salaires des personnels beaucoup trop faibles, et les prix souvent
exorbitants pour les familles. La tarification à l’acte est qualifiée « d’équation
kafkaïenne », et le service rendu insuffisant. « Les Ehpad
sont un lieu de souffrance de notre société. Souffrance de la maltraitance et
souffrance au travail », dénonce le député PCF Pierre Dharréville.
En 2018, 31 mesures pour «changer de
modèle»
Mais le gouvernement refuse tout plan ambitieux et se cache derrière des
promesses. Les parlementaires reviennent à la charge en mars 2018. Le sénateur
LR Bernard Bonne pointe dans un rapport « une dérive
sanitaire de l’Ehpad », et appelle à une réforme globale. Quelques
jours plus tard, Monique Iborra et l’élue FI Caroline Fiat présentent une nouvelle mission.
« La profonde
crise des Ehpad ne peut laisser indifférent », écrivent-elles, sachant
que les « professionnels expriment ne plus pouvoir exercer dans des
conditions humaines et décentes leur métier », avec le soutien des
directions et l’interrogation constante des familles. Elles indiquent en outre
que les structures privées sont en moyenne plus chères et moins dotées en
effectifs que les publiques. Et s’inquiètent que, avec 24,5 aides-soignants et
6 infirmiers pour 100 résidents, le temps de soin et de toilette est « inférieur
à une heure par jour ». Elles proposent enfin un plan de 31 mesures
pour un « changement de modèle ».
Buzyn alertée : il manque 60 000 postes
Olivier Véran, alors rapporteur du budget de la Sécurité sociale, les
chiffre à 7 milliards d’euros. Soit beaucoup trop pour le gouvernement.
Mais l’exécutif, conscient que la question monte, prend soin de déployer sa
communication. La ministre de la Santé de l’époque, Agnès Buzyn, assure qu’un
plan est en préparation. En janvier 2019, elle reconnaît que les Ehpad
sont « à bout de souffle », et que 20 000 postes vont être
créés, sur 60 000 manquants… En mars, lors des assises des Ehpad, elle
annonce « des mesures fortes », dès lors que le rapport de
Dominique Libault, président du Haut Conseil du financement de la protection
sociale, lui sera remis. « Le gouvernement passera à l’action pour
porter des solutions immédiates » qui feront « une différence
dès 2019 », affirme-t-elle.
Beaucoup de promesses pour quelques
mesurettes
Agnès Buzyn reçoit le
rapport quelques jours plus tard. Il préconise la création de 80 000 postes
d’ici à 2024, l’utilisation de 3 milliards d’euros sur dix ans pour
rénover les Ehpad, des baisses de reste à charge de 300 euros pour les
plus modestes et un soutien de 550 millions pour les services d’aide à
domicile. Mais l’heure n’est pas encore à présenter la « loi grand âge ».
Si
bien qu’en août 2019, la ministre en est toujours à promettre « de
l’argent pour les Ehpad », pour le budget… de 2020. En octobre 2019,
nouveau rapport, cette fois-ci signé par l’ancienne
ministre du Travail Myriam El Khomri, qui propose 825 millions d’euros
pour de nouvelles embauches. « Nous ne sommes pas préparés au
vieillissement de la population », s’inquiète alors Agnès Buzyn, qui
finira par présenter des mesurettes après avoir beaucoup communiqué et ignoré
la proposition de loi « d’urgence pour la santé » des parlementaires PCF,
pourtant conséquente et budgétée.
AURÉLIEN SOUCHEYRE
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