Pour le capital, l’inflation, c’est la ruine. Ce n’est pas pour protéger le
pouvoir d’achat des travailleurs que l’Europe libérale a gravé en lettres d’or
la stabilité des prix au fronton de ses institutions, mais pour défendre la
rente, les profits et, par-dessus tout, pour se prémunir contre ce que les
patrons et les libéraux redoutent le plus : la revalorisation des salaires.
En gardant à l’œil les prix comme le lait sur le feu, les artisans de
l’Europe actuelle ont tenu en laisse les rémunérations pendant des années. Mais
pas seulement : la stabilité des prix sur le long terme va de pair avec
l’austérité dans tous les domaines. La maîtrise de l’inflation figure
d’ailleurs parmi les fameux critères de Maastricht, qui interdisent
théoriquement aux États de produire du déficit ou de s’endetter au-delà d’un
certain seuil. Devant le renchérissement des produits de la vie courante, qui
ravive et légitime la revendication de meilleurs salaires, beaucoup font
diversion sur le thème du « pouvoir d’achat ». À l’instar du gouvernement et
son « indemnité inflation » payée sur les deniers publics – c’est-à-dire par
l’impôt de tous. Et quand les candidats à la présidentielle, à droite et à l’extrême
droite notamment, se décident à affronter le problème salarial, ils ne
proposent en fait qu’un tour de passe-passe, la hausse du salaire net grâce à
la baisse des « charges » – c’est-à-dire la diminution de la part brute du
salaire.
Derrière le spectre de
l’inflation, une question fondamentale est posée qui doit trouver réponse dans
la campagne présidentielle : doit-on tout sacrifier à la stabilité des prix ?
Ou faut-il, comme le propose par exemple le candidat communiste Fabien Roussel,
faire droit à une véritable et substantielle hausse des salaires, quitte à
briser le tabou maastrichtien d’une inflation synonyme de rebond de l’activité
et de la consommation ? C’est déjà face à ce dilemme que la gauche a capitulé
au printemps 1983 avec le fameux « tournant de la rigueur », qui a préféré la
maîtrise des taux de change et des prix en Europe à la relance sociale et
budgétaire. Nous n’en sommes toujours pas sortis.
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