vendredi 7 mai 2021

« Biens communs et « vols de bois », l’éditorial de Stéphane Sahuc dans l’Humanité.



En ce printemps 2021 il faut se tourner vers l’ouest pour humer le vent de changement. Ce n’est pas une tornade mais pas non plus un simple courant d’air. Plutôt une brise parfumée d’espoir. Après avoir décidé de refaire payer (un peu plus) les riches, voilà que les États-Unis apportent leur soutien à la levée des brevets sur les vaccins. Certes l’administration états-unienne précise que « les circonstances extraordinaires appellent des mesures extraordinaires » pour justifier cette décision. Mais la démonstration est faite que la santé, les vaccins – et pourquoi pas dans un futur proche les traitements et médicaments – ne peuvent être considérés comme de simples marchandises.

Sans surprise, les lobbies pharmaceutiques et leurs ­laquais qui encaissent des milliards et des milliards de dollars sur le dos de la pandémie tentent de déporter la question en assurant que suspendre les brevets ne va pas augmenter la production de vaccins. Ce qui n’est pas faux. Mais ils omettent de préciser que, si les brevets étaient dans le domaine public depuis le début, nombre de pays auraient pu adapter leurs outils de production. Grâce à cette annonce, des millions de vies seront peut-être sauvées.

Et revient sur le devant de la scène, avec une ­crédibilité renouvelée, la notion de biens communs. Il est temps de cesser de ne faire droit qu’aux intérêts des propriétaires de forêts, expliquait Marx dans ses écrits baptisés la Loi sur les vols de bois. Une série d’articles dans lesquels il analysait le piétinement du droit coutumier des pauvres au profit des privilèges des possédants. Aujourd’hui, lever les brevets, c’est faire primer l’intérêt public sur la convoitise privée. C’est aussi affirmer qu’on ne peut pas privatiser une idée d’intérêt général, qui n’est au fond qu’un élément du travail intellectuel accumulé jusqu’alors. C’est enfin poser la question du dépassement de la propriété sous sa forme privative et exclusive. Plus enthousiasmant et autrement plus dangereux pour les puissants que les polémiques stériles sur les « réunions non mixtes »

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